Jean Bretel & Jean de Grieviler- "Grieviler, un jugement"
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Jean Bretel & Jean de Grieviler- "Grieviler, un jugement"
LES OEUVRES DES TROUVERES "Grieviler, un jugement" Jean Bretel & Jean de Grieviler |
Le jeu-parti est très pratiqué par les membres de la société des carités d’Arras, très active au XIIIe siècle et qui rassemble les jongleurs et bourgeois de la cité. Jean Bretel et Jean de Grieviler font partie de ceux qui l’ont beaucoup pratiqué. Le jeu-parti, c’est une sorte de joute orale le plus souvent entre deux personnes, parfois plus, et avec des témoins à qui il appartient de juger de l’issue de cette joute. Le premier qui parle est l’instigateur, ici Jean Bretel. Il propose un sujet avec deux choix de réponses. Cet instigateur laisse à celui qu’il provoque, ici Jean de Grieviler, le choix de la réponse qu’il défendra, et s’accorde de défendre l’autre réponse proposée au départ. Chacun intervient à tour de rôle, d’où les deux couleurs de police pour ce jeu-parti. Chacun se fait fort d’être le meilleur à défendre son point de vue, et d’obtenir un verdict favorable des témoins que sont ici Robert, et Jacket interpellés pour ça dans les deux dernières interventions. UN JEU-PARTI : "Grieviler, un jugement" Jean Bretel & Jean de Grieviler «Grieviler, un jugement Me faites de deus maris: Li qels a plus de tourmens, U chieus ki cuide toudis Que sa feme aint et qu’ele soit amee, Mais n’en set nient, se çou n est pas pensee, U cil ki set que sa feme a amé Et que ses amis a sa volenté L’eut maintes fois mais fourjuree l’a, Et seurs est que jamais n’avenra? - Sire Bretel, erroment Vous en sera li voirs dis. Cil a cuer dolent souvent Qui de sa feme est tous fis K’ele a esté par autrui violee, Mais sa dolours est aukes trespassee; Je di que chu a trop plus de griété Ki adés a en cuer et en pense Ke sa feme aint: ja dolour ne morra En cuerjalous tant coum’ il le savra. - Grieviler, mauvaisement Savés jugier, ce m’est vis. Voirs est que grant dolour sent Cuers jalous, mais cent tans pis A cil ki set k’il a honte prouvee; La vergoune est adés renouvelee De viés pecié; cil qui n’a riens prouvé Se repent bien qant il a tant dasé En sa folie, et sa dolours tresva; Mais cil qui set ne l’oublïera ja. - Sire, sachiés vraiement Que jou n’ai de riens mespris; Bien dirai raison coument Lijalous est plus maris. Jalous n’a pais ne soir ne matinee; D’ire a toustans la cervele escaufee; Il n’a en lui nul point de fermeté; Toutans cuid’ il c’on li ait tout emblé. Tel mal n’a pas li wihos qui piecha Fu et bien set que mais n’i enkerra. - Jehan, trop plus cruelment Est tourmentés et hounis Cil qui tout certainement Set k’il fu wihos jadis; A tous jours mais en harra s’espousee; En haant ert sa dolour demenee. Mais li jalous mescroit par amisté; Jalousie vient de fine chierté; Ja amoureus tourment ne grevera Tant con cil qui de haïne venra. -Bretel, nus maus ne se prent Ajalous; bien est trais Li hom ki teus maus souprent. Toustans a le cuer espris D’ire et d’anui et de paour dervee. Li jalous boit par an mainte orde euwee, Mais li wihos a le mal pas passé Puis qu’il voit bien et est en seurté Que sa feme mais autrui n’amera. Par tant dijou que li jalous pis a. -Robert amis, çou c’on set est outré, Mais en cuidier n’a fors que vanité. Li viés ferus plus se gramïera Que li nouviaus manechiés ne fera. -Jaket, on doit mieus tenir a navré Lejalous cuer que le wiot sané: Maus trespassés ja tant ne se daurra Coume chil fait qui tout adés tenra.» |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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