|
L'homme précaire ... mais après l'apostrophe Gil DEF - N°707 / 27.04.2010
On dit court notre parcours et du berceau au tombeau Mais comme c’est long d’être un homme, chose précaire D’un seul soir d’abeille morte au dernier rai de lumière Et quand on sait demain, demain se plaint aux roseaux
L’homme est étroit, jambes longues, pareil aux échassiers Mais différent de l’oiseau c’est l’évidence qu’il refuse Ses pas font de grands écarts tant sa pensée est confuse Elle est même à son ombre, morceau de nuit à traîner
L’homme est appris pour marcher, au tout premier combat Sur la chaussée des géants, où l’on parle de miracles Quand l’enfant lève le front, quand il franchit l’obstacle Mais personne n’enseigne combien de fois il tombera
Pourtant il fait tout pour s’accaparer ce qui lui plait Autour de lui, il s’y porte, par nécessité intuitive A tout porter à la bouche, aux dangers de tout suivre Le beau fruit, mais le poison, et l’inventaire incomplet
L’homme est avide de besoins qui le font prédisposé A se transporter plus loin, à quitter l’enfant balançoire La courte échelle au mur, les camarades de gloire Il n’a nulle identité autre que celle voyagée
Il se fait exil, exode, en tous temps, et sans le choix A s’allonger, démesurées, les jambes des distances, Entre départ et arrivée, et même si toute chance N’est qu’un rêve réduit, et un homme vieux déjà
L’homme est un jour qui chemine dans la poussière du temps Le paradoxe, il se fait lent quand le temps s’accélère Il renonce à une mère, qu’il met en terre de misère Il recule, il prend froid où le dépassent des enfants
Longtemps il repasse des horizons dans ses yeux Il cherche cet endroit, idéal par le rouge aux lèvres L’eau puisée aux sources, les arbres et leur sève L’air, le fruit qui ne manquent, les cercles des gens heureux
Mais l’homme se perd à mettre son idéal au-delà De ce qu’il a de courage, de ce qui lève de terre Il traverse des déserts, avec ses pensées amères D’un conflit avec les dieux, d’un paradis qui n’est pas
L’homme se perd à s’étranger de son propre portrait Un même que lui, pieds nus, un même que lui, dans la crasse Un même que lui, en prison, en convois têtes basses Mais ce qui me fait jour tient d’une larme qui l’admet
L’homme est contradictions du face à face avec ses peurs Et sa pauvre science mais qui refuse ses limites Et trop souvent il s’évite, si trop fort le cœur palpite Prêt à prendre la fuite d’un affolement intérieur
Rien d’autre que le temps trop court qui le porte à la mort Ne peut expliquer ses crises, et tant de dérobades Ses suppliques, ses prières, ses vaines jérémiades Jusqu'au mea culpa aux dieux pour négocier son sort
Mais il est celui qui ne renonce pas à être entier Par le corps et la pensée, d’énergie et de matière Sensible à ce qui l’entoure, d’énigmes, de mystères Qui sait s’y ajouter, s’y faire sa propre beauté
Il est celui qui donne le beau geste utile à sa main C’est celui de tout labeur rapporté aux terres futures A la bouche des enfants où se trouve la mesure De la faim, de la soif, et du sens de nos destins
Il est celui qui bâtit de cercles le vrai progrès C’est celui au pied du mur, fil à plomb et équerre Fort de géométrie et de son savoir faire La maison tout autour d’une famille au complet
Il est celui qui s’instruit des choses en profondeur A travers l’apparence, au-delà des impressions premières C’est celui qui s’éloigne des attitudes guerrières Des zones d’obscurité pour nous rendre meilleurs
Il est celui qui refuse l’homme comme pire animal C’est celui qui le soigne repoussant son infortune D’un accident, d’une maladie, de pensées sous l’enclume Ou lui porte secours contre tout verdict fatal
Il est celui qui assume son rôle même ingrat Même méprisé d’un si maigre prix pour sa peine Qui est donc l’indigent au comptoir de la gêne Si ce n’est ceux qui nous mettent au plus bas
Il est celui qui compte des talents par millions Par l’addition, par la multiplication des preuves Qui nous ont fait sortir des plus terribles épreuves C’est chacun de nous si nous levons nos fronts
|
|