Bernart de Ventadour - Can vei la lauzeta mover
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Bernart de Ventadour - Can vei la lauzeta mover
LES OEUVRES DES TROUBADOURS Bernart de Ventadour |
Can vei la lauzeta mover Bernart de Ventadour Interprètes : Ensemble Alla Francesca Le sujet de cette chanson, la plus connue de Bernard de Ventadour, est somme toute simple, c’est : amour qui fait souffrir puisqu’il n’est pas partagé par la personne qu’on aime tellement, fortement, intensément. D’un amour à la cime on va fort dans sa chute, à l’amour dans l’abime. Ce texte va fort dans la désespérance puisqu’il dit qu’aimer sans rien d’un retour rend définitivement la vie impossible, fait tout perdre y compris toute idée d’amour et fait mourir. Can vei la lauzeta mover De joi sas alas contra’l rai, Que s’oblid’ e’s laissa chazer Per la doussor c’al cor li vai, Ai! Tan grans enveya m’en ve De cui qu’eu veya jauzion! Meravilhas ai, car desse Lo cor de dezirer no’m fon Quand je vois l'alouette mouvoir de joie ses ailes contre les rayons du soleil, perdre conscience et se laisser choir à cause de la douceur qui pénètre son coeur, hélas! une si grande envie me vient de tous ceux qui jouissent d'amour que je suis étonné que mon coeur aussitôt ne fonde de désir! Ailas! Tan cuidava saber D’amor, e tan petit en sai, Car eu d’amar no’m posc tener Celeis don ja pro non aurai. Tout m’a mon cor, e tout m’a me, E se mezeis e tot lo mon; E can se’m tolc, no’m laisset re Mas dezirer e cor volon. Hélas! je me croyais savant d'amour, mais si peu j'en sais, puisque je ne puis me retenir d'aimer celle dont je n'obtiendrai rien. elle a mon coeur et mon être, elle-même et le monde entier; et, en se dérobant à moi, elle ne me laissa rien d'autre que le désir et le coeur à sa volonté. Anc non agui de me poder Ni no fui meus de l’or’ en sai Que’m laisset en sos olhs vezer En un miralh que mout me plai. Miralhs, pus me mirei en te, M’an mort li sospir de preon, C’aissi’m perdei com perdet se Lo bels Narcisus en la fon. Je n'eus plus pouvoir sur moi-même et je ne m'appartins plus dès l'instant où elle me laissa regarder dans ses yeux, en ce miroir qui tant me plaît. Miroir, depuis que je me suis miré en toi, les profonds soupirs ont causé ma mort, et je me suis perdu comme se perdit le beau Narcisse dans la fontaine. De las domnas me dezesper; Ja mais en lor no’m fiarai; C’aissi com las solh chaptener, Enaissi las deschaptenrai. Pois vei c’una pro no m’en te Vas leis que’m destrui e’m cofon, Totas las dopt’ e las mescre, Car be sai c’atretals se son. Je me désespère des dames; jamais plus je ne me fierai en elles; autant j'avais coutume de les exalter, d'autant plus maintenant je les mépriserai. Puisque je vois qu'aucune n'est de mon côté contre celle qui me ruine et me détruit, je les crains toutes et de toutes je me méfie, car je sais bien qu'elles sont toutes pareilles. D’aisso’s fa be femna parer Ma domna, per qu’eu’lh’ o retrai, Car no vol so c’om voler, E so c’om li deveda, fai. Chazutz sui en mala merce, Et ai be faih co’l fols en pon; E no sai per que m’esdeve, Mas car trop puyei contra mon. Ma dame, en cela, se montre bien femme, c'est pourquoi je lui en fais reproche; car elle ne veut point ce qu'on doit vouloir et, ce qu'on lui interdit, elle le fait. Je suis tombé en disgrâce, et j'ai vraiment agi comme le fou sur le pont; je ne sais pourquoi cela m'arrive, sinon d'avoir voulu grimper trop haut. Merces es perduda, per ver, Et eu non o saubi anc mai, Car cilh qui plus en degr’aver, Non a ges, et on la querrai ? A ! Can mal sembla, qui la ve, Qued aquest chaitiu deziron Que ja ses leis non aura be, Laisse morrir, que no l’aon. En vérité, la compassion est perdue, et moi je n'en savais rien jusqu'ici, car celle qui devrait en avoir le plus n'en a guère; et où donc irai-je en chercher? Hélas! comme il semble impossible, pour qui la voit, de croire qu'elle laissait mourir, sans lui porter secours, ce malheureux consumé de désir qui sans elle n'aura jamais de salut! Pus ab midons no’m pot valer Precs ni merces ni’l dreihz qu’eu ai, Ni a leis no ven a plazer Qu’eu l’am, ja mais no’lh o dirai. Aissi’m part de leis e’m recre; Mort m’a, e per mort li respon, E vau m’en, pus ilh no’m rete, Chaitius, en issilh, no sai on. Puisque auprès de ma dame ni prières, ni pitié, ni les droits que j'ai, ne peuvent me servir, et que rien ne lui plaît, jamais plus je ne lui dirai que je l'aime. Aussi je m'éloigne d'elle et renonce; Elle m'a tué, et par la mort je lui réponds; et je m'en vais, puisqu'elle ne me retient pas, malheureux, en exil, je ne sais où. Tristans, ges non auretz de me, Qu’eu m’en vau, chaitius, no sai on. De chantar me gic e’m recre, E de joi e d’amor m’escon. Tristan, vous n'aurez plus rien de moi, car je m'en vais, malheureux, je ne sais où. Je renonce à chanter et m'en désiste, et je cherche refuge contre la joie et l'amour. Remarque : La BNF fait état de 33 enregistrements sonores de cette chanson. |
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