Les sonnets de Baudelaire
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Les sonnets de Baudelaire
EXEMPLES DE POEMES A FORME FIXE Les sonnets de Charles Baudelaire |
Baudelaire a usé de toutes les ressources de la disposition des rimes. Voici quelques exemples montrant la variété de ses sonnets: SONNETS CLASSIQUES Exemple n° 1 : ABBA puis ABBA puis CC/DEED Exemple n° 2 : ABBA puis ABBA puis CC/DEDE SONNETS IRREGULIERS Exemple n° 3 : ABAB puis CDCD puis EE/FGFG Exemple n° 4 : ABAB puis CDCD puis EE/FGGF Exemple n° 5 : ABBA puis CDDC puis EEF EFF Exemple n° 6 : ABBA puis CDDC puis EE FF GG Exemple n° 7 : ABBA puis ABBA puis BA AB AB SONNETS ELISABETHAINS Exemple n° 8 : ABBA puis BAAB puis CDDC/EE Exemple n° 9 : ABBA puis CDDC puis EFEF/GG SONNETS CLASSIQUES Exemple n° 1 : BOHEMIENS EN VOYAGE La tribu prophétique aux prunelles ardentes Hier s'est mise en route, emportant ses petits Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes. Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes Le long des chariots où les leurs sont blottis, Promenant sur le ciel des yeux appesantis Par le morne regret des chimères absentes. Du fond de son réduit sablonneux, le grillon, Les regardant passer, redouble sa chanson; Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures, Fait couler le rocher et fleurir le désert Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert L'empire familier des ténèbres futures. Mètre du vers : alexandrins Nombre de rimes : 5 Schéma : ABBA puis ABBA puis CC/DEED Exemple n° 2 : PARFUM EXOTIQUE Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je respire l'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone; Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux; Des hommes dont le corps est mince et vigoureux, Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne. Guidé par ton odeur vers de charmants climats, Je vois un port rempli de voiles et de mâts Encor tout fatigués par la vague marine, Pendant que le parfum des verts tamariniers, Qui circule dans l'air et m'enfle la narine, Se mêle dans mon âme au chant des mariniers. Mètre du vers : alexandrins Nombre de rimes : 5 Schéma : ABBA puis ABBA puis CC/DEDE SONNETS DITS IRREGULIERS Exemple n° 3 : L'ENNEMI Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils. Voilà que j'ai touché l'automne des idées, Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux Pour rassembler à neuf les terres inondées, Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux. Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve Trouveront dans ce sol lavé comme une grève Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ? O douleur ! ô douleur ! le Temps mange la vie, Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur Du sang que nous perdons croît et se fortifie ! ]Mètre du vers : alexandrins Schéma : ABAB puis CDCD puis EE/FGFG Différences par rapport aux sonnets classiques : . Nombre de rimes : 7 au total au lieu de 5, 4 pour les deux quatrains au lieu de 2 . Disposition des rimes : rimes croisées dans les deux quatrains Exemple n° 4 : L'IDEAL Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, Produits avariés, nés d'un siècle vaurien, Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien. Je laisse à Gavarni, poète des chloroses, Son troupeau gazouillant de beautés d'hôpital, Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal. Ce qu'il faut à ce coeur profond comme un abîme, C'est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime, Rêve d'Eschyle éclos au climat des autans ; Ou bien toi, grande Nuit, fille de Michel-Ange, Qui tors paisiblement dans une pose étrange Tes appas façonnés aux bouches des Titans ! Mètre du vers : alexandrins Schéma : ABAB puis CDCD puis EE/FGGF Différences par rapport aux sonnets classiques : . Nombre de rimes : 7 au total au lieu de 5, et 4 pour les deux quatrains au lieu de 2 . Disposition des rimes : rimes croisées dans les deux quatrains Exemple n° 5 : ALCHIMIE DE LA DOULEUR L'un t'éclaire avec son ardeur, L'autre en toi met son deuil, Nature ! Ce qui dit à l'un: sépulture ! Dit à l'autre: vie et splendeur ! Hermès inconnu qui m'assistes Et qui toujours m'intimidas, Tu me rends l'égal de Midas, Le plus triste des alchimistes; Par toi je change l'or en fer Et le paradis en enfer; Dans le suaire des nuages Je découvre un cadavre cher, Et sur les célestes rivages Je bâtis de grands sarcophages. Mètre du vers : octosyllabes Schéma : ABBA puis CDDC puis EEFEFF Différences par rapport aux sonnets classiques : . Nombre de rimes : 6 au total au lieu de 5, et 4 pour les deux quatrains au lieu de 2 . Disposition des rimes dans les deux tercets de fin Exemple n° 6 : DE PROFUNDIS CLAMAVI J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime, Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé. C'est un univers morne à l'horizon plombé, Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème ; Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois, Et les six autres mois la nuit couvre la terre ; C'est un pays plus nu que la terre polaire ; - Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois ! Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse La froide cruauté de ce soleil de glace Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos ; Je jalouse le sort des plus vils animaux Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide, Tant l'écheveau du temps lentement se dévide ! Mètre du vers : alexandrins Schéma : ABBA puis CDDC puis EE/FFGG Différences par rapport aux sonnets classiques : . Nombre de rimes : 7 au total au lieu de 5, et 4 pour les deux quatrains au lieu de 2 . Disposition des rimes du sizain final (présenté en deux tercets) comportant un distique et un quatrain en rimes plates Exemple n° 7 : SONNET D'AUTOMNE Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal: "Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ?" - Sois charmante et tais-toi ! mon coeur, que tout irrite, Excepté la candeur de l'antique animal, Ne veut pas te montrer son secret infernal, Berceuse dont la main aux longs sommeils m'invite, Ni sa noire légende avec la flamme écrite. Je hais la passion et l'esprit me fait mal ! Aimons-nous doucement. L'Amour dans sa guérite, Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal. Je connais les engins de son vieil arsenal: Crime, horreur et folie ! -ô pâle marguerite ! Comme moi n'es-tu pas un soleil automnal, O ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ? Mètre du vers : alexandrins Schéma : ABBA puis ABBA puis BAABAB Différences par rapport aux sonnets classiques : . Nombre de rimes : 2 au total au lieu de 5 . Disposition des rimes dans les deux tercets de fin SONNETS ELISABETHAINS OU SHAKESPEARIENS Exemple n° 8 : LA VIE ANTERIEURE J'ai longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux, Et que leurs grands piliers, droits et majestueux, Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques. Les houles, en roulant les images des cieux, Mêlaient d'une façon solennelle et mystique Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux. C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs, Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes, Et dont l'unique soin était d'approfondir Le secret douloureux qui me faisait languir. Mètre du vers : alexandrins Schéma : ABBA puis BAAB puis CDDC/EE Différences par rapport aux sonnets classiques : . Disposition des rimes du second quatrain, et du sizain final (présenté en deux tercets) comportant un quatrain à rimes embrassées et un distique (deux vers à rimes plates) pour finir Exemple n° 9 : LA BEAUTE Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Eternel et muet ainsi que la matière. Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris; J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d'austères études; Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles: Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! Mètre du vers : alexandrins Schéma : ABBA puis CDDC puis EFEF/GG Différences par rapport aux sonnets classiques : . Nombre de rimes : 7 au total au lieu de 5, et 4 pour les deux quatrains au lieu de 2 . Disposition des rimes du sizain final (présenté en deux tercets) comportant un quatrain à rimes croisées et un distique (deux vers à rimes plates) pour finir |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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