Fleurs et couronnes - Jacques Prévert
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Fleurs et couronnes - Jacques Prévert
L'HOMME ET LA NATURE LE MONDE VEGETAL |
Fleurs et couronnes "Paroles" - 1945 Jacques Prévert Récitant : Serge Reggiani Homme Tu as regardé la plus triste la plus morne de toutes les fleurs de la terre Et comme aux autres fleurs tu lui as donné un nom Tu l'as appelée Pensée. Pensée C'était comme on dit bien observé Bien pensé Et ces sales fleurs qui ne vivent ni ne se fanent jamais Tu les as appelées immortelles... C'était bien fait pour elles... Mais le lilas tu l'as appelé lilas Lilas c'était tout à fait ça Lilas... Lilas... Aux marguerites tu as donné un nom de femme Ou bien aux femmes tu as donné un nom de fleur C'est pareil. L'essentiel c'était que ce soit joli Que ça fasse plaisir... Enfin tu as donné les noms simples à toutes les fleurs simples Et la plus grande la plus belle Celle qui pousse toute droite sur le fumier de la misère Celle qui se dresse à côté des vieux ressorts rouillés A côté des vieux chiens mouillés A côte des vieux matelas éventrés A côté des baraques de planches où vivent les sous-alimentés Cette fleur tellement vivante Toute jaune toute brillante Celle que les savants appellent Hélianthe Toi tu l'as appelée soleil ...Soleil... Hélas! hélas! hélas et beaucoup de fois hélas! Qui regarde le soleil hein? Qui regarde le soleil? Personne ne regarde plus le soleil Les hommes sont devenus ce qu'ils sont devenus Des hommes intelligents... Une fleur cancéreuse tubéreuse et méticuleuse à leur boutonnière Ils se promènent en regardant par terre Et ils pensent au ciel Ils pensent... Ils pensent... ils n'arrêtent pas de penser... Ils ne peuvent plus aimer les véritables fleurs vivantes Ils aiment les fleurs fanées les fleurs séchées Les immortelles et les pensées Et ils marchent dans la boue des souvenirs dans la boue des regrets Ils se traînent A grand-peine Dans les marécages du passé Et ils traînent... ils traînent leurs chaînes Et ils traînent les pieds au pas cadencé... Ils avancent à grand-peine Enlisés dans leurs champs-élysées Et ils chantent à tue-tête la chanson mortuaire Oui ils chantent A tue-tête Mais tout ce qui est mort dans leur tête Pour rien au monde ils ne voudraient l'enlever Parce que Dans leur tête Pousse la fleur sacrée La sale maigre petite fleur La fleur malade La fleur aigre La fleur toujours fanée La fleur personnelle... ...La pensée... Autres textes du même auteur Adrienne Barbara Cet amour Chanson dans le sang Chanson de la Seine Chanson du geôlier Complainte de Vincent Cortège Dans ma maison Déjeuner du matin En sortant de l'école Etranges étrangers Fête foraine Inventaire Je suis comme je suis L'effort humain La crosse en l'air La grasse matinée La lessive Le cancre Le chat et l'oiseau Le désespoir est assis sur un banc Le jardin Le miroir brisé Le retour au pays Le tendre et dangereux visage de l'amour Les enfants qui s'aiment Page d'écriture Paris at night Pater noster Place du carrousel Pour faire le portrait d'un oiseau Promenade de Picasso Rue de Seine Tant bien que mal |
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