Gil Def Mar 16 Fév - 8:37
L'HOMME ET LA NATURE AU FIL DES SAISONS
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Un jardin au printemps "Les Eblouissements" - 1907 Anna de Noailles

La pensée écartant son aile Montre le pollen de son coeur ; Un frelon, trop pesant pour elle, Fait osciller la douce fleur.
Sous l’aubépine se repose Un canard laqué, lourd, glouton, Ses plumes sur sa patte rose Ont la couleur du hanneton ;
La framboise et la bergamote Parfument le gosier divin De fleurs dont la guirlande flotte Sur l’azur ailé du matin.
Un sapin gonfle son armure, Son dôme immense et soucieux ; Cher orgueilleux de la nature, Comme vous rêvez dans les cieux.
Ah ! que l’étendue est féconde ! Que tout est mol et cotonneux Chaque bourgeon est comme un monde De duvets, de gommes, de nœuds.
Sur l’eau deux cygnes se poursuivent Et leurs quatre ailes en émoi Mêlent soudain leurs âmes vives Qu’exalte le plus doux des mois.
Tout est miroitant, tout est moite, Lés cocons des bosquets futurs Sont pleins de suc, de franges, d’ouate. Flocons de garance et d’azur !
Ô sève rose ! ô sève bleue ! Perles d’amour, miel infini, Sucre qui fait de lieue en lieue Luire le globe rajeuni,
Lait bouillonnant au bord des branches, Sang de cristal, mauve liqueur, L’urne immense qui vous épanche N’est pas plus vaste que mon cœur.
Comme la feuille naît sur l’arbre L’arbre croît sur mon cœur profond : Je suis l’onde, le sol, le marbre Qui porte l’azur et le mont !
Et j’accepte qu’un jour mon être Au sein de l’ombre soit jeté, Si ma tendresse doit renaître Dans le Printemps illimité…
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)