Le cimetière - Elisa Mercoeur
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Le cimetière - Elisa Mercoeur
LA MORT ET LE DEUIL |
Le cimetière "Oeuvres complètes" - 1843 Elisa Mercoeur Là, sous l’ombre du saule une tombe est cachée ; Mes avides regards bien souvent l’ont cherchée. Lorsque l’étoile brille au firmament du soir, Sur le marbre muet je viens prier, m’asseoir ; Mes pleurs que tout le jour captive ma paupière, Mêlés à la rosée, humectent la poussière Que le temps vient jeter sur ce voile éternel, Seul vêtement qui reste à ce qui fut mortel. Ce voile, que souvent l’affreuse main du crime Lève, quand, demandant s’il couvre une victime, Dans un horrible espoir, en vain l’œil égaré, Cherche ce que la mort a déjà dévoré… Ne m’offre plus, mon cœur, cette funèbre image ; Ma bouche doit avoir un plus calme langage. L’écho semble effrayé quand le torrent s’enfuit, Il a de doux accens lorsqu’un ruisseau frémit. L’homme, dans sa douleur, tonne, crie et délire ; Mais la femme est paisible, elle pleure ou soupire. Là, celui qui rêvait mille songes d’orgueil Ne les écoute plus en foulant un cercueil ; Là, plus d’illusions, de prestiges, de gloire, Sur ce qu’il a souffert s’arrête sa mémoire ; Et dans un sein brûlé du seul feu des soupirs, Son âme rajeunit tous ses vieux souvenirs. Vous qui vous inclinez devant un mausolée, Qui foulez sans la voir l’herbe de la vallée ; Vous dont les vains regrets imitant la douleur S’exhalent pour tromper, quand la glace est au cœur ; Se cachant pour jamais sous cette herbe foulée, Tranquillement ici dort une ombre isolée. Cetlte humble croix l’indique, et vous passez, hélas ! Un riche monument ne la renferme pas !… Ah ! celui qui n’est plus, quand un ami le pleure, Ne peut avoir besoin d’une vaine demeure ; Dort-on plus doucement sous un arbre orgueilleux ? Un souvenir, des pleurs, voilà ses derniers vœux ; Et son ombre à la vie échappant consolée, Dans le cœur qui l’aima trouve son mausolée. Et vous qui dans ces lieux ne cherchez que des fleurs, Effeuillez ces tributs d’immortelles douleurs, Dans votre illusion, douce et flatteuse amie, Longuement savourez le bonheur et la vie Gardez-vous de penser ; riez, riez encor, L’infortune bientôt vous nommera la mort. Jetez un voile heureux sur vos fraîches années, Marquez vos légers pas sur ces roses fanées, Bien long-temps, s’il se peut, chantez, rêvez l’amour ; Laissez tonner l’orage à la chute du jour ; Bercez d’un vague espoir votre jeune existence. Trop de momens encor restent pour la souffrance. Mais, soudain, quels accens dans le séjour du deuil ?… Ce sont des chants d’adieu consacrant un cercueil. Toi, que dans cet instant on vient rendre à la terre, Peut-être enviais-tu la paix du cimetière ?… Ah ! tout est froid déjà ; ton cœur jadis brûlant N’a pas même un soupir, un léger battement. Peut-être aussi la mort, achevant ton délire, Sur ta bouche entr’ouverte a glacé le sourire ? Peut-être espérais-tu de longs jours de bonheur ? Le bonheur est-il donc où le cherche l’erreur ? Quand l’âme fuit la terre, en rejetant son ombre, C’est une étoile unie à des flambeaux sans nombre. Mais dans la nuit du monde, en voilant sa clarté, C’est un pâle rayon perçant l’obscurité ; La nuit bientôt s’écoule, et d’un réveil tranquille L’homme jouit enfin dans ce dernier asile. Autres textes du même auteur Le centenaire Le jeune mendiant La feuille flétrie |
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