Le crapaud - Maurice Rollinat
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Le crapaud - Maurice Rollinat
L'HOMME ET LA NATURE LE MONDE ANIMAL |
Le crapaud "Dans les brandes, poèmes et rondels" - 1883 Maurice Rollinat Ô vivante et visqueuse extase Accroupie au bord des marais, Pèlerin morne de la vase, Des vignes et des bruns guérets, Paria, dont la vue inspire De l’horreur aux pestiférés, Crapaud, inconscient vampire Des vaches sommeillant aux prés ; Infime roi des culs-de-jatte Écrasé par ta pesanteur, Sombre forçat tirant la patte Avec une affreuse lenteur. À toi que Dieu semble maudire, À toi, doux martyr des enfants, Le cœur ému, je viens te dire Que je te plains et te défends. Ton pauvre corps, lorsque tu bouges, Est inquiet et tourmenté, Et ce qui sort de tes yeux rouges, C’est une immense humilité. Je t’aime, monstre épouvantable, Que j’ai vu grimpant l’autre soir, Avec un effort lamentable, Dans l’épaisseur du buisson noir. Loin de l’homme et de la vipère, Loin de tout ce qui frappe et mord, Je te souhaite un bon repaire, Obscur et froid comme la mort. Fuis vers une mare chargée De brume opaque et de sommeil, Et que n’auront jamais figée Les yeux calcinants du soleil. Qu’un ciel à teintes orageuses, Toujours plein de morosité, Sur tes landes marécageuses Éternise l’humidité ; Pour que toi, le rôdeur des flaques, Tu puisses faire tes plongeons Dans de délicieux cloaques Frais, sous le fouillis vert des joncs. Dans la grande paix sépulcrale De la nuit qui tombe des cieux, Lorsque le vent n’est plus qu’un râle Dans les arbres silencieux, Unis-toi sous la froide lune, Qui t’enverra son regard blanc, À la femelle molle et brune Bavant de plaisir à ton flanc ! Dans les nénuphars, jamais traîtres, Humez l’amour, l’amour béni, Qui donne aux plus horribles êtres Les ivresses de l’infini. Et puis, chemine, lent touriste, De la mare au creux du sapin, En chuchotant ton cri plus triste Que tous les mineurs de Chopin. Rampe à l’aise, deviens superbe De laideur grasse et de repos, Dans la sécurité d’une herbe Où ne vivront que des crapauds ! De l’hiver à la canicule Puisses-tu savourer longtemps L’ombre vague du crépuscule Près des solitaires étangs ! Puisse ta vie être un long rêve D’amour et de sérénité ! Sois la hideur ravie, et crève De vieillesse ou de volupté ! Autres textes du même auteur Ballade de l'arc-en-ciel Balzac Chanson d'automne Chopin Journée de printemps L’écrevisse L’écureuil La biche La chèvre La grande cascade La mare aux grenouilles La morte La musique La neige La pipe La plaine La pluie La sauterelle La vipère Le bon fou Le champ de chardons Le convoi funèbre Le facteur rural Le forgeron Le lézard Le lièvre Le petit renardeau Le pivert Le rasoir Le rossignol Le saule Le silence Le silence des morts Le vent d'été Les arbres Les chauve-souris Les cloportes Les corbeaux Les deux bouleaux Les genêts Les papillons Les yeux bleus Ma vieille canne Ma vieille pipe Magie de la nature Mes girouettes Pendant la pluie Réponse d'un sage Tempête obscure |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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