La morte - Maurice Rollinat
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La morte - Maurice Rollinat
LA MORT ET LE DEUIL |
La morte "Dans les brandes, poèmes et rondels" - 1883 Maurice Rollinat Je viens d’enterrer ma maîtresse, Et je rentre, au déclin du jour, Dans ce gîte où la mort traîtresse A fauché mon dernier amour. En m’en allant au cimetière Je sanglotais par les chemins, Et la nature tout entière Se cachait le front dans les mains. Oh ! oui ! la nature était triste Dans ses bruits et dans sa couleur ; Pour un jour, la grande Égoïste Se conformait à ma douleur. La prairie était toute pleine De corneilles et de corbeaux, Et le vent hurlait dans la plaine Sous des nuages en lambeaux : Roulant des pleurs sous ses paupières Un mouton bêlait dans l’air froid, Et de la branche au tas de pierres L’oiseau volait avec effroi. L’herbe avait un frisson d’alarme, Et, le long de la haie en deuil Où tremblotait plus d’une larme, Mon chien aboyait au cercueil. Et, comme moi, soleil, fleur, guêpe, Tout ce qui vole, embaume, ou luit. Tout semblait se voiler d’un crêpe, Et le jour était plein de nuit. Donc, j’ai vu sa bière à la porte Tandis que l’on sonnait son glas !… Et maintenant, la pauvre morte Est dans la terre ! hélas ! hélas ! En vain, j’évoque la magie D’un être qui m’était si cher, Et mon corps à la nostalgie Épouvantable de sa chair ; Ce n’est qu’en rêve que je touche Et que j’entends et que je vois Ses yeux, son front, ses seins, sa bouche Et la musique de sa voix ! Matins bleus, jours gais, nuits d’extase, Colloque à l’ombre du buisson Où le baiser coupait la phrase Et qui mourait dans un frisson, Tout cela, chimères et leurre, Dans la mort s’est évaporé ! Et je me lamente et je pleure À jamais farouche et navré. Je crois voir sa tête sans joue ! Horreur ! son ventre s’est ouvert : Oh ! dans quelques jours qu’elle boue Que ce pauvre cadavre vert ! Sur ses doigts et sur son cou roides Pleins de bagues et de colliers, Des bêtes gluantes et froides Rampent et grouillent par milliers. Oui, ce corps, jalousie atroce ! Aliment de mes transports fous, C’est maintenant le ver féroce Qui le mange de baisers mous. Sa robe, son coussin de ouate, Ses fleurs, ses cheveux, son linceul Moisiront dans l’horrible boîte. Son squelette sera tout seul. Hélas ! le squelette lui-même À la fin se consumera, Et de celle que mon cœur aime Un peu de terre restera. Quel drame que la pourriture Fermentant comme un vin qui bout !… Pièce à pièce, la créature Se liquéfie et se dissout. Mes illusions ? renversées ! Mon avenir ? anéanti ! Entre quatre planches vissées Tout mon bonheur s’est englouti. Autres textes du même auteur Ballade de l'arc-en-ciel Balzac Chanson d'automne Chopin Journée de printemps L’écrevisse L’écureuil La biche La chèvre La grande cascade La mare aux grenouilles La musique La neige La pipe La plaine La pluie La sauterelle La vipère Le bon fou Le champ de chardons Le convoi funèbre Le crapaud Le facteur rural Le forgeron Le lézard Le lièvre Le petit renardeau Le pivert Le rasoir Le rossignol Le saule Le silence Le silence des morts Le vent d'été Les arbres Les chauve-souris Les cloportes Les corbeaux Les deux bouleaux Les genêts Les papillons Les yeux bleus Ma vieille canne Ma vieille pipe Magie de la nature Mes girouettes Pendant la pluie Réponse d'un sage Tempête obscure |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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