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Les bagnes - Emile Verhaeren

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Les bagnes - Emile Verhaeren Empty Les bagnes - Emile Verhaeren

Message  Gil Def Mar 16 Mar - 16:02

Les bagnes - Emile Verhaeren 721364  Les bagnes - Emile Verhaeren 721364  Les bagnes - Emile Verhaeren 721364


DE LA CONDITION HUMAINE
PLAIDOYER DES GRANDES CAUSES

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Les bagnes
"Les Forces tumultueuses" - 1902
Emile Verhaeren


Les bagnes - Emile Verhaeren Les_ba10


Pareils à ces rayons vêtus de soir et d’or
Qui seuls, avant de s’endormir dans la vallée,
Baisent de leur lumière et ravivent encor
Le front triste et rugueux des roches isolées,
Mes vers s’en vont vers vous,
Hommes de lutte et de souffrance, âpres visages,
Proscrits et révoltés qui maintenez
Debout
Malgré la croix où le destin vous cloue
Et votre foi et votre rage !

Bagnes, là-bas, au bout des mers !
Solitudes de pierre et fer,
Sols de volcans et de tourments sous terre,
Îles de blocs et de cœur en granit,
Étals d’astuce et de colère,
Dans le désert de l’infini.

Comme du sang caillé parmi les vagues
Luisent vos bords et vos sables ocreux ;
Vos pics sont nus, comme les pointes des dagues,
Vos geôliers sont des fous qui s’excitent entre eux,
Vos flots roulent en tempête leurs flammes,
La cruauté torride et ses lâches conseils,
Au fer rouge de vos soleils,
Brûlent, sous vos cieux durs, les âmes.

Or, ceux que vous damnez viennent de l’Inconnu,
Avec entre leurs mains les vérités nouvelles ;
Le feu du monde, ils l’attisent, dans leurs cervelles,
Le droit serein et méconnu
Semble le sang dont bouillonne leur verbe,
Ils incendient, en les tassant du pied, les herbes
Pleines de mort et de poison des vieilles lois ;
Ils sont les fous de la haute folie,
La vie étant à boire, ils en rincent la lie
Et la présentent pure au peuple qui la boit.

Leur cœur est vaste et clair comme les plaines,
Leurs yeux sont purs comme des yeux d’enfant,
Quoi qu’on dise, leur force est pleine
D’amour immense et débordant.

S’ils haïssent, ils n’ont que des haines d’idées,
Leur cause est leur orgueil et le tourment
De ne la point aimer, assez éperdument,
Tient seul, pendant la nuit, leurs âmes obsédées.

La pitié, aucun d’entre eux
N’en veut.
Ce qu’ils veulent ? C’est d’être, à travers temps,
Un cri si fort de nerfs et de muscles tordus,
Qu’après cent ans,
Son épouvante encor, malgré la mort,
Soit entendu ;
C’est d’allumer le feu des tragiques exemples
— Lueurs montant plus haut que le fronton des temples —
C’est de brûler, comme des torches
Toutes en sang, au seuil des porches,
Où régneront, un jour, maîtres du bien,
Ceux qui veulent une équité totale — ou rien.

Ô leur inécrasable et rouge confiance,
Leur orageux silence ou leur acharnement,
Leurs cris profonds chargés de conscience
Qui traversent le monde, ainsi qu’un châtiment,
Vous ne les vaincrez pas, bourreaux déments et mornes,
Îles, dont les pointes, comme des cornes,
Se hérissent vers le soleil,
Bagnes bâtis pour la terreur et les supplices :
L’âme humaine bondit de réveils en réveils,
Elle est en rut de la justice.








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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def
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