L'arbre - Emile Verhaeren
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L'arbre - Emile Verhaeren
L'HOMME ET LA NATURE LE MONDE VEGETAL |
L'arbre "La multiple splendeur" - 1906 Emile Verhaeren Tout seul, Que le berce l'été, que l'agite l'hiver, Que son tronc soit givré ou son branchage vert, Toujours, au long des jours de tendresse ou de haine, Il impose sa vie énorme et souveraine Aux plaines. Il voit les mêmes champs depuis cent et cent ans Et les mêmes labours et les mêmes semailles ; Les yeux aujourd'hui morts, les yeux Des aïeules et des aïeux Ont regardé, maille après maille, Se nouer son écorce et ses rudes rameaux. Il présidait tranquille et fort à leurs travaux ; Son pied velu leur ménageait un lit de mousse ; Il abritait leur sieste à l'heure de midi Et son ombre fut douce A ceux de leurs enfants qui s'aimèrent jadis. Dès le matin, dans les villages, D'après qu'il chante ou pleure, on augure du temps ; Il est dans le secret des violents nuages Et du soleil qui boude aux horizons latents ; Il est tout le passé debout sur les champs tristes, Mais quels que soient les souvenirs Qui, dans son bois, persistent, Dès que janvier vient de finir Et que la sève, en son vieux tronc, s'épanche, Avec tous ses bourgeons, avec toutes ses branches, - Lèvres folles et bras tordus - Il jette un cri immensément tendu Vers l'avenir. Alors, avec des rais de pluie et de lumière, Il frôle les bourgeons de ses feuilles premières, Il contracte ses noeuds, il lisse ses rameaux ; Il assaille le ciel, d'un front toujours plus haut ; Il projette si loin ses poreuses racines Qu'il épuise la mare et les terres voisines Et que parfois il s'arrête, comme étonné De son travail muet, profond et acharné. Mais pour s'épanouir et régner dans sa force, Ô les luttes qu'il lui fallut subir, l'hiver ! Glaives du vent à travers son écorce. Cris d'ouragan, rages de l'air, Givres pareils à quelque âpre limaille, Toute la haine et toute la bataille, Et les grêles de l'Est et les neiges du Nord, Et le gel morne et blanc dont la dent mord, jusqu'à l'aubier, l'ample écheveau des fibres, Tout lui fut mal qui tord, douleur qui vibre, Sans que jamais pourtant Un seul instant Se ralentît son énergie A fermement vouloir que sa vie élargie Fût plus belle, à chaque printemps. En octobre, quand l'or triomphe en son feuillage, Mes pas larges encore, quoique lourds et lassés, Souvent ont dirigé leur long pèlerinage Vers cet arbre d'automne et de vent traversé. Comme un géant brasier de feuilles et de flammes, Il se dressait, superbement, sous le ciel bleu, Il semblait habité par un million d'âmes Qui doucement chantaient en son branchage creux. J'allais vers lui les yeux emplis par la lumière, Je le touchais, avec mes doigts, avec mes mains, Je le sentais bouger jusqu'au fond de la terre D'après un mouvement énorme et surhumain ; Et J'appuyais sur lui ma poitrine brutale, Avec un tel amour, une telle ferveur, Que son rythme profond et sa force totale Passaient en moi et pénétraient jusqu'à mon coeur. Alors, j'étais mêlé à sa belle vie ample ; Je me sentais puissant comme un de ses rameaux ; Il se plantait, dans la splendeur, comme un exemple ; J'aimais plus ardemment le sol, les bois, les eaux, La plaine immense et nue où les nuages passent ; J'étais armé de fermeté contre le sort, Mes bras auraient voulu tenir en eux l'espace ; Mes muscles et mes nerfs rendaient léger mon corps Et je criais : " La force est sainte. Il faut que l'homme imprime son empreinte Tranquillement, sur ses desseins hardis : Elle est celle qui tient les clefs des paradis Et dont le large poing en fait tourner les portes ". Et je baisais le tronc noueux, éperdument, Et quand le soir se détachait du firmament, je me perdais, dans la campagne morte, Marchant droit devant moi, vers n'importe où, Avec des cris jaillis du fond de mon coeur fou. Autres textes du même auteur A la gloire du vent Aprement Asseyons nous tous deux près du chemin Au clos de notre amour, l'été se continue Au passant d'un soir Autour de ma maison Avec le même amour Avec mes vieilles mains Avec mon sens, avec mon coeur C'est la bonne heure C'était en juin, dans le jardin Chaque heure où je songe à ta bonté Cloches Cuisson du pain Décembre (Les hôtes) En hiver Et maintenant que sont tombés Et qu'importent et les pourquois et les raisons Et te donner ne suffit plus, tu te prodigues Heure d'automne L'abreuvoir L'âge est venu L'ancienne foi L'aube, l'ombre, le soir, l'espace et les étoiles L'effort L'hospice La cathédrale de Reims La fenaison La ferme La fleur de lin La forêt La grille La joie La mort du fermier La neige La plaine La pluie La vie La ville nouvelle Là-bas Le chaland Le cri Le forgeron Le gel Le lierre Le moulin Le ruisseau Le vent Le voyage Les alouettes Les bagnes Les barques d'or d'un bel été Les cierges Les corneilles Les exodes Les giboulées Les gueux Les horloges Les machines Les mendiants Les morts Les pêcheurs à cheval Les pigeons Les plages Les Zeppelins sur Paris Mariage Mourir Plus loin que les gares le soir Soldats morts à la guerre Sur la mer Tout ce qui vit autour de nous Un matin Un toit, là-bas Vanniers Vénus Vers la mer Vieille ferme à la Toussaint Voici quinze ans déjà Vous m'avez dit, tel soir |
Dernière édition par Gil Def le Lun 3 Mar - 14:20, édité 2 fois
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