Le voyage - Emile Verhaeren
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Le voyage - Emile Verhaeren
LES VOYAGES LES INVITATIONS AU VOYAGE |
Le voyage "Les Forces tumultueuses" - 1902 Emile Verhaeren Récitant : Thierry Hancisse Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages. Le soir se fait, un soir ami du paysage, Où les bateaux, sur le sable du port, En attendant le flux prochain, dorment encor. Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées, An fouet soudain des montantes marées ! Oh ce regonflement de vie immense et lourd Et ces grands flots, oiseaux d'écume, Qui s'abattent du large, en un effroi de plumes, Et reviennent sans cesse et repartent toujours ! La mer est belle et claire et pleine de voyages. A quoi bon s'attarder près des phares du soir Et regarder le jeu tournant de leurs miroirs Réverbérer au loin des lumières trop sages ? La mer est belle et claire et pleine de voyages Et les flammes des horizons, comme des dents, Mordent le désir fou, dans chaque cœur ardent : L'inconnu est seul roi des volontés sauvages. Partez, partez, sans regarder qui vous regarde, Sans nuls adieux tristes et doux, Partez, avec le seul amour en vous De l'étendue éclatante et hagarde. Oh voir ce que personne, avec ses yeux humains, Avant vos yeux à vous, dardés et volontaires, N'a vu ! voir et surprendre et dompter un mystère Et le résoudre et tout à coup s'en revenir, Du bout des mers de la terre, Vers l'avenir, Avec les dépouilles de ce mystère Triomphales, entre les mains ! Ou bien là-bas, se frayer des chemins, A travers des forêts que la peur accapare Dieu sait vers quels tourbillonnants essaims De peuples nains, défiants et bizarres. Et pénétrer leurs mœurs, leur race et leur esprit Et surprendre leur culte et ses tortures, Pour éclairer, dans ses recoins et dans sa nuit, Toute la sournoise étrangeté de la nature ! Oh ! les torridités du Sud - ou bien encor La pâle et lucide splendeur des pôles Que le monde retient, sur ses épaules, Depuis combien de milliers d'ans, au Nord ? Dites, l'errance au loin en des ténèbres claires, Et les minuits monumentaux des gels polaires, Et l'hivernage, au fond d'un large bateau blanc, Et les étaux du froid qui font craquer ses flancs, Et la neige qui choit, comme une somnolence, Des jours, des jours, des jours, dans le total silence. Dites, agoniser là-bas, mais néanmoins, Avec son seul orgueil têtu, comme témoin, Vivre pour s'en aller - dès que le printemps rouge Aura cassé l'hiver compact qui déjà bouge - Trouer toujours plus loin ces blocs de gel uni Et rencontrer, malgré les volontés adverses, Quand même, un jour, ce chemin qui traverse, De part en part, le cœur glacé de l'infini. Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages. Le soir se fait, un soir ami du paysage Où les bateaux, sur le sable du port, En attendant le flux prochain dorment encor... Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées Aux coups de fouet soudains des montantes marées ! Autres textes du même auteur A la gloire du vent Aprement Asseyons nous tous deux près du chemin Au clos de notre amour, l'été se continue Au passant d'un soir Autour de ma maison Avec le même amour Avec mes vieilles mains Avec mon sens, avec mon coeur C'est la bonne heure C'était en juin, dans le jardin Chaque heure où je songe à ta bonté Cloches Cuisson du pain Décembre (Les hôtes) En hiver Et maintenant que sont tombés Et qu'importent et les pourquois et les raisons Et te donner ne suffit plus, tu te prodigues Heure d'automne L'abreuvoir L'âge est venu L'ancienne foi L'arbre L'aube, l'ombre, le soir, l'espace et les étoiles L'effort L'hospice La cathédrale de Reims La fenaison La ferme La fleur de lin La forêt La grille La joie La mort du fermier La neige La plaine La pluie La vie La ville nouvelle Là-bas Le chaland Le cri Le forgeron Le gel Le lierre Le moulin Le ruisseau Le vent Les alouettes Les bagnes Les barques d'or d'un bel été Les cierges Les corneilles Les exodes Les giboulées Les gueux Les horloges Les machines Les mendiants Les morts Les pêcheurs à cheval Les pigeons Les plages Les Zeppelins sur Paris Mariage Mourir Plus loin que les gares le soir Soldats morts à la guerre Sur la mer Tout ce qui vit autour de nous Un matin Un toit, là-bas Vanniers Vénus Vers la mer Vieille ferme à la Toussaint Voici quinze ans déjà Vous m'avez dit, tel soir |
Dernière édition par Gil Def le Ven 25 Juin - 9:38, édité 14 fois
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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