Pauvre, je suis - François Villon
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Pauvre, je suis - François Villon
DE LA CONDITION HUMAINE MISERES ET CALAMITES |
Pauvre, je suis François Villon Musique : Lino Léonardi Interprète : Monique Morelli En l'an trentieme de mon âge Que toutes mes hontes j'eus bues, Ni du tout fol, ni du tout sage, Non obstant maintes peines eues, Lesquelles j'ai toutes reçues Sous la main Thibaut d'Aussigny... S'il est evêque, seignant les rues, Qu'il soit le mien je le regny! Mon seigneur n'est ni mon evêque; Sous lui ne tiens, si non en friche; Foi ne lui dois n'hommage avec; Je ne suis son serf ni sa biche. Nourri d'une petite miche Et de froide eau tout un été. Large ou étroit, mout me fut chiche: Tel lui soit Dieu qu'il m'a été. Pauvre je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace; Sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrassent! On n'y voit ni couronnes ni sceptres. Si aucun me voulait reprendre Et dire que je le maudis, Non fais, se bien le sait comprendre, En rien de lui je ne médis. Voici tout le mal que j'en dis: S'il m'a été misericors, Jesus, le roi de paradis, Tel lui soit a l'ame et au corps! S'il m'a été dur et cruel Trop plus que ci ne le raconte, Je veux que le Dieu eternel Lui soit donc semblable a ce compte. Et l'Eglise nous dit nous conte Que prions pour nos ennemis. Je vous dirai: "J'ai tort et honte, Quoi qu'il m'ait fait, a Dieu remis!" Pauvre je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace; Sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrassent! On n'y voit ni couronnes ni sceptres. De pauvreté me lamentant, Souventes fois me dit le cœur: "Homme, ne te désole tant Et ne demene tel douleur, Si tu n'as tant qu'eut Jacques Cœur: Mieux vaut vivre sous gros sabot Pauvre, qu'avoir été seigneur Et pourrir sous riche tombeau!" Si ne suis, bien le considere, Fils d'ange portant diademe D'étoile ni d'autre sidere. Mon pere est mort, Dieu en ait l'ame! Quant est du corps, il git sous lame J'entends que ma mere mourra, Et le sait bien la pauvre femme, Et le fils pas ne démourra. Pauvre je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté tu nous suit à la trace; Sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrassent! On n'y voit ni couronnes ni sceptres. Je connais que pauvres et riches, Sages et fous, prêtres et laids, Nobles, vilains, larges et chiches, Petits et grands, et beaux et laids, Dames a rebrassés collets, De quelconque condition, Portant atours et bourrelets, Mort saisit sans exception. La mort les fait frémir, pâlir, Le nez courber, les veines tendre, Le col enfler, la chair mollir, Jointes et nerfs croître et étendre. Corps féminin, qui tant es tendre, Poly, soyeux, si précieux, Te faudra il ces maux attendre? Oui, ou tout vif aller aux cieux. Pauvre je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté tu nous suit à la trace; Sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrassent! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." - Poésies diverses - |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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