Les mendiants - Emile Verhaeren
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Les mendiants - Emile Verhaeren
DE LA CONDITION HUMAINE MISERES ET CALAMITES |
Les mendiants "Les Campagnes hallucinées" - 1893 Emile Verhaeren Les jours d’hiver quand le froid serre Les bourgs, le clos, le bois, la fagne, Poteaux de haine et de misère, Par l’infini de la campagne, Les mendiants ont l’air de fous. Dans le matin, lourds de leur nuit, Ils s’enfoncent au creux des routes, Avec leur pain trempé de pluie Et leur chapeau comme la suie Et leurs grands dos comme des voûtes Et leurs pas lents rythmant l’ennui ; Midi les arrête dans les fossés Matelassés de feuilles, pour leur sieste ; Ils sont les éternellement lassés De leur prière et de leur geste, Si bien qu’au seuil des fermes solitaires Ils apparaissent, tels des filous, Le soir, dans la brusque lumière D’une porte ouverte tout à coup. Les mendiants ont l’air de fous. Ils s’avancent, par l’âpreté Et la stérilité du paysage, Qu’ils reflètent, au fond des yeux Tristes de leur visage ; Avec leurs hardes et leurs loques Et leur marche qui les disloque, L’été, parmi les champs nouveaux, Ils épouvantent les oiseaux ; Et maintenant que décembre sur les bruyères S’acharne et mord Et gèle, au fond des bières Du cimetière, Les morts, Un à un, ils s’immobilisent Sur des chemins d’église, Mornes, têtus et droits, Les mendiants, comme des croix. Les mendiants ont l’air de fous. Avec leur dos comme un fardeau Et leur chapeau comme la suie, Ils habitent les carrefours Du vent et de la pluie. Ils sont le monotone pas — Celui qui vient et qui s’en va Toujours le même et jamais las — De l’horizon vers l’horizon. Ils sont les béquillants, Les chavirés et les bancroches ; Et leurs bâtons sont les battants Des cloches de misère Qui sonnent à mort sur la terre. Ils sont les éternels stigmatisés Par la pitié et les miséricordes Les épuisés et les usés D’âme et de corps Jusqu’à la corde. Aussi, lorsqu’ils tombent enfin, Séchés de soif, troués de faim, Et se terrent comme des loups, Le soir, Au fond d’un trou, Le désespoir Plus vieux que n’est la mer Se fixe en leurs grands yeux ouverts. Et ceux qui viennent Après les besognes quotidiennes, Ensevelir à la hâte leur corps Ont peur de regarder en face L’éternelle menace Qui luit sous leur paupière, encor. Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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