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Je me croyais poète - René François Sully Prudhomme

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Je me croyais poète - René François Sully Prudhomme Empty Je me croyais poète - René François Sully Prudhomme

Message  Gil Def Mar 23 Fév - 10:27

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DE L'ART POETIQUE

Je me croyais poète - René François Sully Prudhomme 00_som16





Je me croyais poète
"Stances et poèmes" - 1865
René François Sully Prudhomme


Je me croyais poète - René François Sully Prudhomme Je_me_11


Je me croyais poète et j’ai pu me méprendre,
D’autres ont fait la lyre et je subis leur loi ;
Mais si mon âme est juste, impétueuse et tendre,
             Qui le sait mieux que moi ?

Oui, je suis mal servi par des cordes nouvelles
Qui ne vibrent jamais au rhythme de mon cœur ;
Mon rêve de sa lutte avec les mots rebelles
             Ne sort jamais vainqueur !

Mais quoi ! le statuaire, au moment où l’argile
Refuse au sentiment le contour désiré,
Parce qu’il trouve alors une fange indocile
             Est-il moins inspiré ?

Si mon dessein secret demeure obscur aux hommes
A cause de l’outil qui tremble dans ma main,
Dieu, qui sans interprète aperçoit qui nous sommes,
             Juge l’œuvre en mon sein.

Quand j’ai changé mon âme en un bruit pour l’oreille,
Les hommes ont-ils vu ma joie et ma douleur ?
ils n’ont qu’un mot : l’amour, expression pareille
             De mon trouble et du leur.

Heureux qui de son cœur voit l’image apparaître
Au flot d’un verbe pur comme en un ruisseau clair,
Et peut manifester comment frémit son être
             En faisant frémir l’air !

Hélas ! A mes pensers le signe se dérobe,
Mon âme a plus d’élan que mon cri n’a d’essor,
Je sens que je suis riche, et ma sordide robe
             Cache aux yeux mon trésor.

L’airain sans l’effigie est un bien illusoire,
Et j’en porte un lingot qu’il faudrait monnayer ;
J’ai de ce fort métal dont s’achète la gloire,
             Et ne la puis payer.

La gloire ! oh ! surnager sur cette immense houle
Qui, dans son flux hautain noyant les noms obscurs,
Des brumes du passé se précipite et roule
             Aux horizons futurs !

Voir mon œuvre flotter sur cette mer humaine,
D’un bout du monde à l’autre et par delà ma mort,
Comme un fier pavillon que la vague ramène
             Seul, mais vainqueur, au port !

Ce rêve ambitieux remplira ma jeunesse,
Mais, si l’air ne s’est point de ma vie animé,
Que dans un autre cœur mon poème renaisse,
             Qu’il vibre et soit aimé !








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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def
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