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La naissance du Duc de Bordeaux - Alphonse de Lamartine

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Message  Gil Def Sam 10 Avr - 10:11

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HISTOIRE ET POLITIQUE
LA RESTAURATION

La naissance du Duc de Bordeaux - Alphonse de Lamartine Restau10





La naissance du Duc de Bordeaux 
"Méditations poétiques" - 1820
Alphonse de Lamartine


La naissance du Duc de Bordeaux - Alphonse de Lamartine La_nai11


Versez du sang, frappez encore !
Plus vous retranchez ses rameaux,
Plus le tronc sacré voit éclore
Ses rejetons toujours nouveaux !
Est-ce un dieu qui trompe le crime ?
Toujours d’une auguste victime
Le sang est fertile en vengeur ;
Toujours, échappé d’Athalie,
Quelque enfant que le fer oublie
Grandit à l’ombre du Seigneur !

Il est né, l’enfant du miracle,
Héritier du sang d’un martyr !
Il est né d’un tardif oracle,
Il est né d’un dernier soupir !
Aux accents du bronze qui tonne
La France s’éveille, et s’étonne
Du fruit que la mort a porté !
Jeux du sort ! merveilles divines !
Ainsi fleurit sur des ruines
Un lis que l’orage a planté.

Il vient, quand les peuples, victimes
Du sommeil de leurs conducteurs,
Errent aux penchants des abîmes
Comme des troupeaux sans pasteurs.
Entre un passé qui s’évapore,
Vers un avenir qu’il ignore,
L’homme nage dans un chaos !
Le doute égare sa boussole,
Le monde attend une parole,
La terre a besoin d’un héros !

Courage ! c’est ainsi qu’ils naissent !
C’est ainsi que dans sa bonté
Un Dieu les sème ! Ils apparaissent
Sur des jours de stérilité !
Ainsi, dans une sainte attente,
Quand des pasteurs la troupe errante
Parlait d’un Moïse nouveau,
De la nuit déchirant le voile,
Une mystérieuse étoile
Les conduisit vers un berceau !

Sacré berceau, frêle espérance
Qu’une mère tient dans ses bras,
Déjà tu rassures la France ;
Les miracles ne trompent pas !
Confiante dans son délire,
À ce berceau déjà ma lyre
Ouvre un avenir triomphant,
Et, comme ces rois de l’Aurore,
Un instinct que mon âme ignore
Me fait adorer un enfant !

Comme l’orphelin de Pergame,
Il verra près de son berceau
Un roi, des princes, une femme,
Pleurer aussi sur un tombeau !
Bercé sur le sein de sa mère,
S’il vient à demander son père,
Il verra se baisser les yeux !
Et cette veuve inconsolée,
En lui cachant le mausolée,
Du doigt lui montrera les cieux !

Jeté sur le déclin des âges,
Il verra l’empire sans fin,
Sorti de glorieux orages,
Frémir encor de son déclin.
Mais son glaive aux champs de victoire
Nous rappellera la mémoire
Des destins promis à Clovis,
Tant que le tronçon d’une épée,
D’un rayon de gloire frappée,
Brillerait aux mains de ses fils !

Sourd aux leçons efféminées
Dont le siècle aime à les nourrir,
Il saura que les destinées
Font roi pour régner ou mourir ;
Que des vieux héros de sa race
Le premier titre fut l’audace,
Et le premier trône un pavois ;
Et qu’en vain l’humanité crie :
Le sang versé pour la patrie
Est toujours la pourpre des rois !

Tremblant à la voix de l’histoire,
Ce juge vivant des humains,
Français, il saura que la gloire
Tient deux flambeaux entre ses mains.
L’un, d’une sanglante lumière
Sillonne l’horrible carrière
Des peuples par le crime heureux ;
Semblable aux torches des Furies
Que jadis les fameux impies
Sur leurs pas traînaient après eux !

L’autre, du sombre oubli des âges,
Tombeau des peuples et des rois,
Ne sauve que les siècles sages
Et les légitimes exploits :
Ses clartés immenses et pures,
Traversant les races futures,
Vont s’unir au jour éternel :
Pareil à ces feux pacifiques,
Ô Vesta ! que des mains pudiques
Entretenaient sur ton autel.

Il saura qu’aux jours où nous sommes,
Pour vieillir au trône des rois,
Il faut montrer aux yeux des hommes
Ses vertus auprès de ses droits ;
Qu’assis à ce degré suprême,
Il faut s’y défendre soi-même,
Comme les dieux sur leurs autels ;
Rappeler en tout leur image,
Et faire adorer le nuage
Qui les sépare des mortels !

Au pied du trône séculaire
Où s’assied un autre Nestor,
De la tempête populaire
Le flot calmé murmure encor !
Ce juste, que le ciel contemple,
Lui montrera par son exemple
Comment, sur les écueils jeté,
On élève sur le rivage,
Avec les débris du naufrage,
Un temple à l’immortalité !

Ainsi s’expliquaient sur ma lyre
Les destins présents à mes yeux ;
Et tout secondait mon délire,
Et sur la terre et dans les cieux !
Le doux regard de l’Espérance
Éclairait le deuil de la France :
Comme, après une longue nuit,
Sortant d’un berceau de ténèbres,
L’aube efface les pas funèbres
De l’ombre obscure qui s’enfuit.












HENRI D'ARTOIS, DUC DE BORDEAUX

Pour les royalistes et la famille des Bourbons, la naissance de ce prince tient du "miracle". Il faut en effet savoir que ce prince naît le 29 septembre 1820, sept mois après l’assassinat de son père Charles-Ferdinand d’Artois, Duc de Berry, qui fait l’objet d’un autre texte dans le même recueil des "Odes et ballades" de Victor Hugo et qui est présenté sur ce site. Après l’abdication de Charles X en 1830, il sera prétendant  au trône de France mais ce sera Louis-Philippe 1er de la famille des Orléans qui devindra roi.  

COMMENTAIRE DE LAMARTINE SUR CETTE MEDITATION

J’étais de famille royaliste ; j’avais servi dans les gardes du roi ; j’avais accompagné à cheval le duc de Berri, père du duc de Bordeaux, jusqu’à la frontière de France, quand il en sortit pour un second exil. L’assassinat de ce prince, quelques années après, m’avait profondément remué. Le désespoir de sa jeune veuve, qui portait dans son sein le gage de son amour, avait attendri toute l’Europe. La naissance de cet enfant parut une vengeance du ciel contre l’assassin, une bénédiction miraculeuse du sang des Bourbons. J’étais loin de la France quand j’appris cet événement : il inspira ma jeune imagination autant que mon cœur. J’écrivis sous cette inspiration. Ces vers, je ne les envoyai point à la cour de France, qui ne me connaissait pas ; je les adressai à mon père et à ma mère, qui se réjouirent de voir leurs propres sentiments chantés par leur fils. J’ai été, comme la France entière de cette époque, mauvais prophète des destinées de cet enfant. Je n’ai jamais rougi des vœux très-désintéressés que je fis alors sur ce berceau. Je ne les ai jamais démentis par un acte ingrat ou par une parole dédaigneuse sur le sort de ces princes. Quand les Bourbons que je servais ont été proscrits du trône et du pays en 1830, j’ai donné ma démission au nouveau souverain, pour n’avoir point à maudire ce que j’avais béni. — Depuis, cette seconde branche de la monarchie a été retranchée elle-même. J’ai été plus respectueux envers leur infortune que je ne l’avais été envers leur puissance. Quand le trône s’est définitivement écroulé sous la main libre du peuple, je ne devais rien à celui qui l’avait occupé le dernier. J’ai pu prêter loyalement ma main à ce peuple pour inaugurer la république. Dix-huit ans d’indépendance absolue me séparaient des souvenirs et des devoirs de ma jeunesse envers une autre monarchie. Mon esprit avait grandi, mes idées s’étaient élargies ; mon cœur était libre d’engagement, mes devoirs étaient tous envers mon pays. J’ai fait ce que j’ai cru devoir faire pour sauver de grands malheurs, et pour préparer de grandes voies au peuple. Je fais pour lui maintenant les mêmes vœux que je faisais il y a trente ans pour une autre forme de souveraineté. Quant à ceux que j’adressais alors au ciel pour l’enfance du duc de Bordeaux, Dieu les a autrement exaucés ; mais il les a mieux exaucés peut-être, pour son bonheur, dans l’exil que dans la patrie, dans la vie privée que sur un trône.

Ce prince et son parti ont reconnu ma fidélité d’honneur à leur cause et à leur malheur par des procédés injurieux qui m’ont percé le cœur. Je leur rends à présent en indifférence ce qu’ils ont déversé sur moi en injures et en calomnies.








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