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Un soir à Vérone - Anna de Noailles

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Un soir à Vérone - Anna de Noailles Empty Un soir à Vérone - Anna de Noailles

Message  Gil Def Jeu 29 Avr 2021 - 9:24

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LES HISTOIRES D'AMOUR EN GENERAL

Un soir à Vérone - Anna de Noailles Histoi10





Un soir à Vérone
"Les Vivants et les Morts" - 1913
Anna de Noailles


Un soir à Vérone - Anna de Noailles Un_soi11


Le soir baigne d’argent les places de Vérone ;
Les cieux roses et ronds, rayés d’ifs, de cyprès,
Font à la ville une couronne
De tristes et verts minarets.

Sur les ors languissants du palais du Concile,
On voit luire, ondoyer un manteau duveté :
Les pigeons amoureux, dociles,
Frémissent là de volupté.

L’Adige, entre les murs de brique qu’il reflète,
Roule son rouge flot, large, brusque, puissant.
Dans la ville de Juliette
Un fleuve a la couleur du sang !

— Ô tragique douceur de la cité sanglante,
Rue où le passé vit sous les vents endormis :
Un masque court, ombre galante,
Au bal des amants ennemis.

Je m’élance, et je vois ta maison, Juliette !
Si plaintive, si noire, ainsi qu’un froid charbon.
C’est là que la fraîche alouette
T’épouvantait de sa chanson !

Que tu fus consumée, ô nymphe des supplices !
Que ton mortel désir était fervent et beau
Lorsque tu t’écriais : « Nourrice,
Que l’on prépare mon tombeau !

"Qu’on prépare ma tombe et mon funèbre somme,
Que mon lit nuptial soit violet et noir,
Si je n’enlace le jeune homme
Qui brillait au verger ce soir !… "

— Auprès de ta fureur héroïque et plaintive,
Auprès de tes appels, de ton brûlant tourment,
La soif est une source vive,
La faim est un rassasiement.

Hélas ! tu le savais, qu’il n’est rien sur la terre
Que l’invincible amour, par les pleurs ennobli ;
Le feu, la musique, la guerre,
N’en sont que le reflet pâli !

— Ma sœur, ton sein charmant, ton visage d’aurore,
Où sont-ils, cette nuit où je porte ton cœur ?
La colombe du sycomore
Soupire à mourir de langueur…

Là-bas un lourd palais, couleur de pourpre ardente,
Ferme ses volets verts sous le ciel rose et gris ;
Je pense au soir d’automne où Dante
Écrivit là le Paradis ;

La céleste douceur des tournantes collines
Emplissait son regard, à l’heure où las, pensifs,
Les anges d’Italie inclinent
Le ciel délicat sur les ifs.

Mais que tu m’es plus chère, ô maison de l’ivresse,
Balcon où frémissait le chant du rossignol,
Où Juliette qui caresse
Suspend Roméo à son col !

Ah ! que tu m’es plus cher, sombre balcon des fièvres,
Où l’échelle de soie en chantant tournoyait,
Où les amants, joignant leurs lèvres,
Sanglotaient entre eux : « Je vous ai ! »

— Que l’amour soit béni parmi toutes les choses,
Que son nom soit sacré, son règne ample et complet ;
Je n’offre les lauriers, les roses,
Qu’à la fille des Capulet !








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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def
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