10 juin 1936 - Robert Desnos
Page 1 sur 1
10 juin 1936 - Robert Desnos
AINSI VA LA VIE THEME GENERAL |
10 juin 1936 "Fortunes - Les Portes battantes" - 1942 Robert Desnos Récitante : Eve Griliquez Au détour du chemin, Il étendit la main, Devant le beau matin. Le ciel était si clair Que les nuages dans l’air Ressemblaient à l’écume de la mer. Et la fleur des pommiers Blanchissait dans les prés Où séchait le linge lavé. La source qui chantait, Chantait la vie qui passait Au long des prés, au long des haies. Et la forêt à l’horizon, Où verdissait le gazon, Comme une cloche était pleine de sons. La vie était si belle, Elle entrait si bien dans ses prunelles Dans son cœur et dans ses oreilles, Qu’il éclata de rire : Il rit au monde et aux soupirs Du vent dans les arbres en fleur. Il rit à l’odeur de la terre, Il rit au linge des lavandières, Il rit aux nuages passant dans l’air. Comme il riait en haut de la colline, Parut la fille de belle mine Qui venait de la maison voisine. Et la fille rit aussi Et quand son rire s’évanouit Les oiseaux chantaient à nouveau. Elle rit de le voir rire Et les colombes qui se mirent Dans le bassin aux calmes eaux Écoutèrent son rire Dans l’air s’évanouir. Jamais plus ils ne se revirent. Elle passa souvent sur le chemin Où l’homme tendit la main À la lumière du matin. Maintes fois il se souvint d’elle Et sa mémoire trop fidèle Se réflétait dans ses prunelles. Maintes fois elle se souvint de lui Et dans l’eau profonde du puits C’est son visage qu’elle revit. Les ans passèrent un à un En palissant comme au matin Les cartes qu’un joueur tient dans sa main. Tous deux pourrissent dans la terre, Mordus par les vers sincères. La terre emplit leur bouche pour les faire taire. Peut-être s’appelleraient-ils dans la nuit, Si la mort n’avait horreur du bruit : Le chemin reste et le temps fuit. Mais chaque jour le beau matin Comme un œuf tombe dans la main Du passant sur le chemin. Chaque jour le ciel est si clair Que les nuages dans l’air Sont comme l’écume sur la mer. Morts ! Épaves sombrées dans la terre, Nous ignorons vos misères Chantées par les solitaires. Nous nageons, nous vivons, Dans l’air pur de chaque saison. La vie est belle et l’air est bon. |
_________________
La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
-
Nombre de messages : 5856
Age : 74
Localisation : Nord de la France
Date d'inscription : 16/11/2007
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|