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Rouen - Marceline Desbordes-Valmore

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Message  Gil Def Sam 23 Mai - 16:15

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AVEC LE TEMPS
LES SOUVENIRS

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Rouen   
"Bouquets et Prières" - 1843
Marceline Desbordes-Valmore


Rouen - Marceline Desbordes-Valmore Rouen10


Dans la ville tout églises,
Où je descends quelquefois,
Où devant le seuil assises,
Les femmes lèvent leurs voix ;
Dans cette ville où bourdonne,
Toute idée allant aux cieux,
Où les yeux d’une madone,
À tous coins cherchent vos yeux :

Il est une étroite porte,
Palais de mes ans passés,
Où le même amour emporte,
Mon âme et mes pieds lassés,
Chez mes sœurs ! séjour crédule,
Où l’air est encor si pur ;
Où Dieu gardait la cellule,
Quand j’écoutais la pendule,
Qui vit et bat sur le mur.

Là, comme la sainte femme
Ouvre au pauvre son verger,
Mes sœurs ont toujours dans l’âme
Un doux coin pour me loger ;
Pour rappeler de l’enfance
Les nuits qui chantaient tout bas ;
Pour me rendre après l’absence,
Le miroir de l’innocence
Que mes sœurs ne brisent pas.

Le long de l’étroite rue
Où tout est calme et pensant,
Faible étoile reparue,
Je regarde le passant ;
Puis, tout distrait, tout frivole,
Tout léger de souvenir,
L’enfant qui monte à l’école,
Chercher la douce parole,
Doux pain de son avenir !

À Rouen, ville encensée
Par la prière et les flots,
S’ouvrirent de ma pensée
Les hymnes et les sanglots ;
Comme la brise inconnue
Chante à quelque vieux créneau,
Sur la grande église nue,
Qui met son front dans la nue,
Et lave ses pieds dans l’eau.

Mais, l’église de mon âme[1],
Où pleure un humble métal,
Reflète sa pure flamme,
Dans un long flot de cristal :
Cette sainte au flanc percée,
Lavant ses humbles pavés,
Semble une mère empressée,
Sur ses enfans abaissée,
Qui dit : Puisez et buvez !

C’est là que la cathédrale
Abreuve ses bénitiers ;
C’est l’éternelle lustrale
Sauvant les siècles entiers.
Tout meurt : la source est la même,
Dieu nourrit sa fraîche voix :
Aussi tout le peuple l’aime
Plus que le dôme suprême
Où se font sacrer les rois.

Par un hiver dur et sombre,
J’ai cherché ses vieux autels,
Qui dans l’été font tant d’ombre
Aux fronts des pauvres mortels :

Là, pour mon âme exilée,
Couvait un nouvel affront ;
L’eau bénite était gelée,
Et je me suis en allée,
Sans désaltérer mon front.

À travers les brumes grises
Qui resserrent l’horizon,
Dans la ville tout églises
Où Corneille eut sa maison ;
Parmi les fleurs, les fontaines,
Les clochers vibrans, les tours,
Les voilures toutes pleines
Des vents aux moites haleines,
Qui frôlent ses verts entours :

Dans ce pays aimé qui me fut trop barbare,
Donnez à mon image un coin rêveur et doux ;
J’ai bien assez pleuré l’arrêt qui nous sépare,
Pour que mon ombre au moins soit heureuse avec vous !







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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def
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