Au jour le jour - René François Sully Prudhomme
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Au jour le jour - René François Sully Prudhomme
AVEC LE TEMPS THEME GENERAL |
Au jour le jour "Les vaines tendresses" - 1875 René François Sully Prudhomme à Emmanuel Des Essarts Quand d'une perte irréparable On garde au cœur le souvenir, On est parfois si misérable Qu'on délibère d'en finir. La vie extérieure oppresse : Son mobile et bruyant souci Fatigue... et dans cette détresse On murmure : "Que fais-je ici ? "Libre de fuir tout ce tumulte Où ma douleur n'a point de part, Où le train du monde l'insulte, Pourquoi retarder mon départ ? "Pourquoi cette illogique attente ? Les moyens sont prompts et divers, Pour l'homme que le néant tente, D'écarter du pied l'univers ! " Mais l'habitude, lâche et forte, Demande grâce au désespoir ; On se condamne et l'on supporte Un jour de plus sans le vouloir. Ah ! C'est qu'il faut si peu de chose Pour faire accepter chaque jour ! L'aube avec un bouton de rose Nous intéresse à son retour. La rose éclora tout à l'heure, Et l'on attend qu'elle ait souri ; Eclose, on attend qu'elle meure ; Elle est morte, une autre a fleuri ; On partait, mais une hirondelle Descend et glisse au ras du sol, Et l'œil ne s'est séparé d'elle Qu'au ciel où s'est perdu son vol ; On partait, mais tout près s'éveille, Sous un battement d'éventail, Un frais zéphire qui conseille Avec l'espoir un dernier bail ; On partait, mais le bruit tout proche D'un marteau fidèle au labeur, Sonnant comme un mâle reproche, Fait rougir d'être un déserteur ; Tout nous convie à ne pas clore Notre destinée aujourd'hui ; Le malheur même est doux encore, Doux à soulager dans autrui : Une larme veut qu'on demeure Au moins le temps de l'essuyer ; Tout ce qui rit, tout ce qui pleure, Fait retourner le sablier. Ainsi l'agonie a des trêves : On ressaisit, au moindre appel, Le fil ténu des heures brèves Au seuil du mystère éternel. On accorde à cette agonie Que la main n'abrège jamais, Une lenteur indéfinie Où les adieux sont des délais ; Et sans se résigner à vivre Ni s'en aller avant son tour, On laisse les moments se suivre, Et le cœur battre au jour le jour. Liste vers les textes de cet auteur |
Dernière édition par Gil Def le Jeu 24 Juin - 19:09, édité 16 fois
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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