Baudelaire - Théodore de Banville
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Baudelaire - Théodore de Banville
LES PHARES ET LES PASSERELLES HOMMAGE AUX POETES |
Baudelaire "Les Exilés" - 1867 Théodore de Banville Toujours un pur rayon mystérieux éclaire En ses replis obscurs l’œuvre de Baudelaire, Et le surnaturel, en ses rêves jeté, Y mêle son extase et son étrangeté. L’homme moderne, usant sa bravoure stérile En d’absurdes combats, plus durs que ceux d’Achille, Et, fort de sa misère et de son désespoir, Héros pensif, caché dans son mince habit noir, S’abreuvant à longs traits de la douleur choisie, Savourant lentement cette amère ambroisie, Et gardant en son cœur, lutteur déshérité, Le culte et le regret poignant de la beauté ; La femme abandonnée à son ivresse folle Se parant de saphirs comme une vaine idole, Et tous les deux fuyant l’épouvante du jour, Poursuivis par le fouet horrible de l’Amour ; La Pauvreté, l’Erreur, la Passion, le Vice, L’Ennui silencieux, acharnant leur sévice Sur ce couple privé du guide essentiel, Et cependant mordu par l’appétit du ciel, Et se ressouvenant, en sa splendeur première, D’avoir été pétri de fange et de lumière ; L’être vil ne pouvant cesser d’être divin ; Le malheureux noyant ses soucis dans le vin, Mais sentant tout à coup que l’ivresse fatale Ouvre dans sa cervelle une porte idéale, Et, dévoilant l’azur pour ses sens engourdis, Lui donne le frisson des vagues paradis ; Le libertin voyant, en son amer délire, Que l’ongle furieux d’un Ange le déchire, Et le force, avivant cette blessure en feu, À traîner sa laideur sous l’œil même de Dieu ; La Matière, céleste encor même en sa chute, Impuissante à créer l’oubli d’une minute, Pâture du Désir, jouet du noir Remord, Et souffrant sans répit jusqu’à ce que la Mort, Apparaissant, la baise au front et la délivre ; Ô mon âme, voilà ce qu’on voit dans ce livre Où le calme songeur qui vécut et souffrit Adore la vertu subtile de l’esprit ; Voilà ce que l’on voit dans ces vivantes rimes Où Baudelaire, épris de l’horreur des abîmes Et fuyant vers l’azur du gouffre meurtrier, Dédaigne de descendre au terrestre laurier ; Dans cette œuvre d’amour, d’ironie et de fièvre, Où le poète au cœur meurtri penche sa lèvre Que les mots odieux ne souillèrent jamais Vers la Foi pâlissante, ange des purs sommets, Et, triste comme Hamlet au tombeau d’Ophélie, Pleure sur notre joie et sur notre folie. Liens vers les textes de cet auteur |
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