Je me croyais poète - René François Sully Prudhomme
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Je me croyais poète - René François Sully Prudhomme
DE L'ART POETIQUE |
Je me croyais poète "Stances et poèmes" - 1865 René François Sully Prudhomme Je me croyais poète et j’ai pu me méprendre, D’autres ont fait la lyre et je subis leur loi ; Mais si mon âme est juste, impétueuse et tendre, Qui le sait mieux que moi ? Oui, je suis mal servi par des cordes nouvelles Qui ne vibrent jamais au rhythme de mon cœur ; Mon rêve de sa lutte avec les mots rebelles Ne sort jamais vainqueur ! Mais quoi ! le statuaire, au moment où l’argile Refuse au sentiment le contour désiré, Parce qu’il trouve alors une fange indocile Est-il moins inspiré ? Si mon dessein secret demeure obscur aux hommes A cause de l’outil qui tremble dans ma main, Dieu, qui sans interprète aperçoit qui nous sommes, Juge l’œuvre en mon sein. Quand j’ai changé mon âme en un bruit pour l’oreille, Les hommes ont-ils vu ma joie et ma douleur ? ils n’ont qu’un mot : l’amour, expression pareille De mon trouble et du leur. Heureux qui de son cœur voit l’image apparaître Au flot d’un verbe pur comme en un ruisseau clair, Et peut manifester comment frémit son être En faisant frémir l’air ! Hélas ! A mes pensers le signe se dérobe, Mon âme a plus d’élan que mon cri n’a d’essor, Je sens que je suis riche, et ma sordide robe Cache aux yeux mon trésor. L’airain sans l’effigie est un bien illusoire, Et j’en porte un lingot qu’il faudrait monnayer ; J’ai de ce fort métal dont s’achète la gloire, Et ne la puis payer. La gloire ! oh ! surnager sur cette immense houle Qui, dans son flux hautain noyant les noms obscurs, Des brumes du passé se précipite et roule Aux horizons futurs ! Voir mon œuvre flotter sur cette mer humaine, D’un bout du monde à l’autre et par delà ma mort, Comme un fier pavillon que la vague ramène Seul, mais vainqueur, au port ! Ce rêve ambitieux remplira ma jeunesse, Mais, si l’air ne s’est point de ma vie animé, Que dans un autre cœur mon poème renaisse, Qu’il vibre et soit aimé ! Liste vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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