Elisa Mercoeur - Marceline Desbordes-Valmore
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Elisa Mercoeur - Marceline Desbordes-Valmore
LES PHARES ET LES PASSERELLES HOMMAGE AUX POETES |
3Elisa Mercoeur "Pauvres fleurs" - 1839 Marceline Desbordes-Valmore En regardant briller l’auréole de rêves, Qui de ta jeune vie agitait le flambeau. Triste, on reconnaissait sur ton front triste et beau, Une fleur enlevée à de lointaines grèves : On n’aimait plus le monde où languissaient tes jours, Tes jours chantans, nourris d’une rosée avare ; Où la terre est si froide et le soleil si rare ; Où sur ta frêle étoile on s’alarmait toujours ! Quoi donc ! quand près des flots Dieu sema ton enfance, Dieu ne t’y laissait point sans joie et sans défense : Tes longs yeux découvraient dans le désert des nuits, Quelque astre sympathique à tes jeunes ennuis ; Tu te chantais au ciel, à ta mère bénie, Qui t’appelait son jour ! sa naissante harmonie ! Et le ciel et ta mère et les flots et les monts, À tes cris : Aimez-moi ! répondaient : Nous t’aimons ! Toute sonore au bruit du mugissant rivage, Regardant le navire enfler sa voile au vent, Ta flottante espérance aventurait souvent Un doux château dans l’air, un nid sur un nuage : Libres alors, jamais tes beaux songes brisés, Ne retombaient sur toi, pleurans et méprisés ! Mais flamme passagère et vouée à la flamme, La cité lumineuse éblouissait ton âme, Et livrant ta faiblesse aux dangers des chemins, Pour enhardir ton vol on te battait des mains : Croyant qu’il est partout des brises embaumées, Tu vins heurter ton cœur à des portes fermées ; Tu dis long-temps : « C’est moi ! je passe… il faut ouvrir… » La réponse fut lente et tu viens d’en mourir ! Et l’harmonie en pleurs tremblait dans ta parole, Enfant ! ton premier chant commence un cri d’adieu ; Ce cri poussé, perdu dans un écho frivole, Grave pourtant, déjà se réclamait de Dieu. Que lui demandais-tu ? de l’air libre et des ailes : Tu les as ! nous vois-tu traîner nos pieds sous elles, Porter pierre sur pierre à ton doux monument, Pour charmer ta jeune ombre en son isolement ? Pour dire au temps : voyez ! elle était chaste, aimée, Elle avait une voix qui survit à la mort ; Une âme, dont la forme est vite consumée ; Qui vient chanter sa plainte et s’en va sans remord. Un soupir, s’il vous plaît, à la poète fille ! Une eau pure au gazon qui la couvre déjà ! Une fleur sur la fleur qui se cache et qui brille ! Un regret au roseau que le vent détacha ! Une larme à sa mère… elle vit après elle ! Sans pleurer son enfant, ne vous éloignez pas ; Ses cyprès verseront, dans leur culte fidèle, Un rythme à votre oreille et de l’ombre à vos pas ! Un soupir, s’il vous plaît ! l’horloge s’est trompée, Elle a sonné la mort pour l’heure de l’hymen ; Regardez et comptez : sa trame fut coupée, Quand l’ange des enfans tenait encor sa main ! Moi, sans racine aussi, née aux bords des voyages, Posant à peine un pied sur de fuyans rivages, Y cueillant à la hâte un fruit vert, une fleur, Pour prendre un peu d’haleine au relai du malheur. J’écoutai, quand sa voix à mon cœur parvenue, M’apprit le nom charmant d’une sœur inconnue ; Sa voix, qui n’avait pas encor de souvenir, Sa voix fraîche et nouvelle en perçant l’avenir, Lançait l’hymne de vie et de gloire trempée, Où sa tombe précoce était enveloppée : Je la pris, dans l’espace où vibrait cette voix, Pour un oiseau qui joue et qui pleure à la fois ! Dans les flots de la foule insoucieuse et vaine, J’embrassai du regard cette âme armoricaine, Et je n’entrevis pas sa crédule candeur, Sans plaindre de ses yeux l’ardente profondeur ! On épuisait alors cette vivante lyre ; Sa souffrance voilée, on la lui faisait lire ; Car le monde veut tout quand il daigne écouter ; Et quand il a dit : Chante ! il faut toujours chanter ! Par d’innocens flatteurs innocemment déçue, Son âme s’écoulait victime inaperçue, Et quand l’oiseau malade à son toit remontait, Sous son aile traînante et fiévreuse il chantait ! Il cherchait d’autres sons pour saluer la foule, Cette foule qui cause, et qui passe et qui roule ; En vain, ses chants mêlés de courage et d’effroi ; Dirent bientôt : « Je souffre et j’attends !… sauvez-moi ! » Je ne pus que l’aimer d’une tendresse amère ; Qu’assister, prophétique aux larmes de sa mère, Puis, avec le transport d’une interne frayeur, Emporter mes enfans plus serrés à mon cœur ! Ce qui résonne en nous de tendresse profonde, Mon Dieu ! n’a pas long-temps son écho dans ce monde : Mais, puisque vers vos cieux nous regardons toujours, C’est donc qu’un bien s’y cache et qu’il manque à nos jours ? Oui ! quand mes souvenirs se lèvent et gémissent, Je sens, dans un frisson sur moi prompt à couler, Comme des ailes qui frémissent, Toujours prêtes à s’envoler ! Dis ! n’est-ce pas ainsi, fille mélodieuse, Que s’élançait ton cœur pour entraîner tes pas, Lorsque ton cœur s’ouvrit plein de sa foi pieuse, Appelant l’avenir… qui ne répondit pas : Car, voici ma prière envoyée à ta tombe ! Au bord de l’urne blanche où s’amassent nos fleurs, Viendras-tu pas poser ton âme de colombe, Pour compter les amis qui t’ont donné leurs pleurs ? Qu’importe que la voix soit obscure ou sublime : La douleur n’a qu’un cri qui sort du même abîme ; Et le Christ, en mourant, n’entendit sur sa croix, Que ceux qui lui criaient : Mon Dieu ! j’aime et je crois ! Liens vers les textes de cette auteure |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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