J'espère de mourir - Anna de Noailles
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J'espère de mourir - Anna de Noailles
LA MORT ET LE DEUIL |
J'espère de mourir "Les Vivants et les Morts" - 1913 Anna de Noailles J’espère de mourir d’une mort lente et forte, Que mon esprit verra doucement approcher Comme on voit une sœur entrebâiller la porte, Qui sourit simplement et qui vient vous chercher. Je lui dirai : Venez, chère mort, je vous aime, Après mes longs travaux, voici vos nobles jeux. J’ai longtemps refusé votre secours suprême, Car si le corps est las, l’esprit est courageux. Mais venez, délivrez un courage qui s’use, Abrégez le combat, rendez à l’univers L’immense poésie embuée et confuse Dont mon âme et mon corps ont si longtemps souffert ! Les torrents des rochers, le sable blond des rives, Les vaisseaux balancés, l’Automne dans les bois, Les bêtes des forêts, surprises et captives, Méditaient dans mon cœur et gémissaient en moi ! Ô mort, laissez-les fuir vers la forêt puissante, Ces fauves compagnons de mon silence ardent ! Que leur native ardeur, féroce et caressante, Peuple la chaude nuit d’un murmure obsédant. Ce n’était pas mon droit de garder dans mon être Un aspect plus divin de la création ; De savoir tout aimer, de pouvoir tout connaître Par les secrets chemins de l’inspiration ! Ce n’était pas mon droit, aussi la destinée, Comme un guerrier sournois, chaque jour, chaque nuit, Attaquait de sa main habile et forcenée Le sublime butin qui me comble et me nuit. Mais venez, chère mort ; mon âme vous appelle, Asseyez-vous ici et donnez-moi la main. Que votre bras soutienne un front longtemps rebelle, Et recueille la voix du plus las des humains : — Prenez ces yeux, emplis de vastes paysages, Qui n’ont jamais bien vu l’exact et le réel, Et qui, toujours troublés par de changeants visages, Ont versé plus de pleurs que la mer n’a de sel. Prenez ce cœur puissant qu’un faible corps opprime, Et qui, heurtant sans fin ses étroites parois, Eut l’attrait du divin et le pouvoir des cimes, Et s’élevait aux cieux comme la pierre choit. Ah ! vraiment le tombeau qui dévore et qui ronge, Le sol, tout composé d’étranges corrosifs, L’ombre fade et mouillée où les racines plongent, Le nid de la corneille au noir sommet des ifs, Pourront-ils m’accorder cette paix sans seconde, Sommeil que mon labeur tenace a mérité, Et saurai-je, en mourant, restituer au monde Ce grand abus d’amour, de rêve et de clarté ? Hélas ! je voudrais bien ne plus être orgueilleuse, Mais ce que j’ai souffert m’arrache un cri vainqueur. Pour élancer encor ma voix tempétueuse Il faudrait une foule, et qui n’aurait qu’un cœur ! Autres textes du même auteur Annecy Après l'ondée Automne, ton soleil Bayonne Ce ne sont pas les mots Chaleur Comme le temps est court Constantinople Eloge de la rose Entre les tombeaux et les astres Exaltation Eveil d'une journée Il fera longtemps clair ce soir Il pleut. Le ciel est noir J'écris pour que le jour où je ne serai plus Je croyais être Je veux bien respirer… Jeunesse Joviale odeur de la neige L'abondance L'ardeur L'automne L'enchantement de la Sicile L'enfance L'hiver L'Ile des folles à Venise L'innocence L'inquiet désir L'Inspiration L'offrande à la nature La cité natale La jeunesse La journée heureuse La mort de Jaurès La mort dit à l'homme La mort fervente La musique de Chopin La naissance du jour La vie profonde Le baiser Le cri des hirondelles Le jardin et la maison Le pays Le plaisir des oiseaux Le port de Palerme Le soldat Le souvenir des morts Le temps de vivre Le verger Le voyage Le voyage sentimental Les biches Les bords de la Marne Les îles bienheureuses Les journées romaines Les morts Les morts pour la Patrie Les nuits d'été Les plaisirs des jardins Les poètes romantiques Les voyages Matin frémissant Mon âme de peine et de joie Novembre O lumineux matin Ô Mort, vous rendez tout… Paysage du Hainaut Prière au destin Prière du combattant Qu'ai-je à faire de vous ? S'il est quelque autre chose au monde Stances à Victor Hugo Trains en été Tristesse de l'amour Un automne à Venise Un jardin au printemps Un soir à Vérone Un soir en Flandre Verdun Versailles Visite à la cathédrale de Reims |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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