La centième de Notre-Dame de Paris - Théodore de Banville
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La centième de Notre-Dame de Paris - Théodore de Banville
LES PHARES ET LES PASSERELLES HOMMAGE AUX ARTS - LE THEATRE |
La centième de Notre-Dame de Paris "Le Sang de la coupe" - 1864 Théodore de Banville Ô peuple frissonnant, ému comme une femme ! Heureux de savourer la douleur et l’effroi, Tu vins cent fois de suite applaudir notre drame Où l’âme de Hugo pleure et gémit sur toi. Esméralda, si belle en sa parure folle Que les anges des cieux la regardent marcher, Domptant les noirs truands par sa douce parole Et dévorant des yeux Phœbus, le bel archer ; Esméralda, rayon, chant, vision, chimère ! Jeune fille sur qui la lumière tombait, Et qu’un bourreau vient prendre aux baisers de sa mère Pour l’unir, éperdue, avec l’affreux gibet ; Le prêtre méditant son infâme caresse, Et le pauvre Jehan brisé comme un fruit mûr ; Quasimodo tout plein de rage et de tendresse, Masse difforme, ayant en elle de l’azur ; Et les cloches d’airain chantant dans les tourelles, Pleurant, hurlant, tonnant, gémissant dans les tours D’où s’enfuit à l’aurore un vol de tourterelles, Et disant tes ardeurs, tes labeurs, tes amours ; Tu ne te lassais pas de ce drame qui t’aime, Et qui semble un miroir magique où tu te vois, Ô peuple ! car Hugo le songeur, c’est toi-même, Et ton espoir immense a passé dans sa voix. C’est lui qui te console et c’est lui qui t’enseigne : Sans le courber le temps a blanchi ses cheveux. Peuple ! on n’a jamais pu te blesser sans qu’il saigne, Et quand ton pain devient amer, il dit : J’en veux ! Lui le chanteur divin, béni par les érables Et les chênes touffus dans la noire forêt, Il dit : Laissez venir à moi les misérables ! Et son front calme et doux comme un lys apparaît. Il vient coller sa lèvre à toute âme tuée ; Il vient, plein de pitié, de ferveur et d’émoi, Relever le laquais et la prostituée, Et dire au mendiant : Mon frère, embrasse-moi. Ô Job mourant ! sa bouche a baisé ton ulcère, Et cependant un jour, parmi les deuils amers, L’exil noir l’emporta dans son horrible serre Et le laissa, pensif, au bord des sombres mers. Il méditait, privé de la douce patrie ; Et, lui que cette France a connu triomphant, Il ne pouvait plus même, en son idolâtrie, S’agenouiller dans l’herbe où dormait son enfant ! Près de lui cependant, invisible et farouche, Némésis au courroux redoutable et serein, Épouvantant les flots du souffle de sa bouche, Crispait ses doigts sanglants sur la lyre d’airain. Mais le jour où la Guerre entoura nos murailles, Où le vaillant Paris, agonisant enfin, Succombait, et sentit le vide en ses entrailles, Il revint, il voulut comme nous avoir faim ! Quand sur nous le Carnage enfla son aile noire, Quand Paris désolé, grand comme un Ilion, Proie auguste, servit de pâture à l’Histoire, On revit parmi nous sa face de lion. Et puis enfin l’aurore éclata sur nos cimes ! Le rêve affreux s’enfuit, par le vent emporté, Et frémissants encor, de nouveau nous revîmes Fleurir la poésie avec la liberté. Et ce fut une joie immense, un pur délire, Et sur la scène, hier morne et déserte, hélas ! Reparurent divins, avec leur chant de lyre, Hernani, Marion Delorme, et toi, Ruy Blas ! Et nous-mêmes, dont l’âme à la Muse se livre, Apportant nos efforts, nos cœurs, nos humbles voix, Nous avons évoqué le drame et le grand livre Que tu viens d’applaudir pour la centième fois ! Ô peuple ! que la foi, la vertu, la bravoure Charment, quand ton Orphée avec ses rimes d’or Te prodigue l’ivresse adorable, savoure Cette ambroisie, et toi, poëte, chante encor ! Homère d’un héros divin, plus grand qu’Achille, Sous le tragique azur empli d’astres et d’yeux Chante ! et console encor ton Prométhée, Eschyle, Sur le rocher sanglant où l’insultent les Dieux ! Parle ! grand exilé que la souffrance attire Et qui ne consens pas à la Fatalité, Vaincu prodigieux sacré par le martyre, Génie entré vivant dans l’immortalité ! Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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