A Zélie - Théodore de Banville
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A Zélie - Théodore de Banville
AVEC LE TEMPS LES SOUVENIRS |
A Zélie "Odelettes" - 1856 Théodore de Banville Ma sœur, ma sœur, n'est-il pas de défense Contre l'affront du temps ? Qui les a pris, ces jours de notre enfance Où, les cheveux flottants, Beaux, enviés par les mères jalouses, Couple au regard vermeil, Tu me suivais à travers les pelouses, Malgré le grand soleil ? Te souvient-il de ce jardin sauvage Tout au cœur de Moulins, Où nous courions, ignorant tout servage, Sous les arbres câlins ? Il était triste et rempli de mystères. Jamais ses beaux fruits mûrs N'étaient cueillis, et les pariétaires Envahissaient les murs. Sur leur sommet que la mousse inégale Peignait de ses couleurs, Montait superbe un rosier du Bengale Écrasé sous les fleurs. Parfois, bercé dans un songe illusoire Dont s'enchantent mes yeux, Quand je revois au fond de ma mémoire Ce lieu mystérieux, Mon souvenir, empli de ses murmures Et de ses floraisons, Y réunit les diverses parures De toutes les saisons, Et tout se mêle ainsi qu'une famille : Les soucis et les lys, La vigne folle avec la grenadille ; Près des volubilis Le glaïeul rose et ses feuilles en pointes ; Partout le vert lézard Venait courir sur les pierres disjointes ; La liberté sans art Avait rendu leurs énergiques poses Aux vieux arbres fruitiers, Et sur le mur pendaient, blanches et roses, Des touffes d'églantiers, Les nénufars, dans la mare déserte, Fleurissaient sur les eaux, Où se formait une enveloppe verte A l'abri des roseaux. Dis, nous vois-tu dévastant les groseilles Et les grains du cassis ? Autour de nous voltigeaient les abeilles, L'éclatante chrysis, Et mille oiseaux, en bandes familières, Se penchaient tout le jour Pour boire, au bord des urnes que des lierres Tapissaient à l'entour. La solitude avait pris sa revanche. Dans ce recueillement L'ortie, hélas ! coudoyait la pervenche : C'était morne et charmant. Nous jouions là, gais pour une chimère, Courant, ou bien assis Dans le gazon. Parfois notre grand'mère, La veuve aux chers soucis Qui fut si belle et qui mourut si jeune, Se montrait sur le seuil, Le front pâli comme par un long jeûne, Triste et douce, en grand deuil. Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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