La soupe du soir - Paul Verlaine
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La soupe du soir - Paul Verlaine
HISTOIRES SINGULIERES |
La soupe du soir "Jadis et naguère" - 1884 Paul Verlaine Récitant : Michel Favory Il fait nuit dans la chambre étroite et froide où l’homme Vient de rentrer, couvert de neige, en blouse, et comme Depuis trois jours il n’a pas prononcé deux mots, La femme a peur et fait des signes aux marmots. Un seul lit, un bahut disloqué, quatre chaises, Des rideaux jadis blancs conchiés des punaises. Une table qui va s’écroulant d’un côté, — Le tout navrant avec un air de saleté. L’homme, grand front, grands yeux pleins d’une sombre flamme, A vraiment des lueurs d’intelligence et d’âme, Et c’est ce qu’on appelle un solide garçon. La femme, jeune encore, est belle à sa façon. Mais la Misère a mis sur eux sa main funeste, Et perdant par degrés rapides ce qui reste I]n eux de tristement vénérable et d’humain, Ce seront la femelle et le mâle, demain. Tous se sont attablés pour manger de la soupe Et du bœuf, et ce tas sordide forme un groupe Dont l’ombre à l’infini s’allonge tout autour De la chambre, la lampe étant sans abat-jour. Les enfants sont petits et pâles, mais robustes En dépit des maigreurs saillantes de leurs bustes, Qui disent les hivers passés sans feu souvent Et les étés subits dans un air étouffant. Non loin d’un vieux fusil rouillé qu’un clou supporte Et que la lampe fait luire d’étrange sorte, Quelqu’un qui chercherait longtemps dans ce retrait Avec l’œil d’un agent de police verrait Empilés dans le fond de la boiteuse armoire Quelques livres poudreux de « science » et « d’histoire », Et, sous le matelas, cachés avec grand soin, Des romans capiteux cornés à chaque coin. Ils mangent cependant. L’homme, morne et farouche, Porte la nourriture écœurante à sa bouche D’un air qui n’est rien moins nonobstant que soumis, Et son eustache semble à d’autres soins promis. La femme pense à quelque ancienne compagne, Laquelle a tout, voiture et maison de campagne, Tandis que les enfants, leurs poings dans leurs yeux clos, Ronflant sur leur assiette, imitent des sanglots. Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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