L'hospice - Emile Verhaeren
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DE LA CONDITION HUMAINE MISERES ET CALAMITES |
L'hospice "Les Villes à pignons" - 1910 Emile Verhaeren À ceux qui n’ont ni feu, ni lieu, Et qui sont lents, et qui sont vieux, À ceux qui, jour à jour, — Depuis quels temps — ont fait le tour De leur misère sédentaire, Aux pauvres gens des durs métiers : Portiers, veilleurs, gardiens et cantonniers, Les petites villes octroient, parfois, Le bénéfice De boire et de manger et de dormir, sans joie, Derrière un mur de vieil hospice. Le monument, avec son large toit Et ses anciens pignons, s’assoit Au bout de la grand’rue. Le van des siècles dissémina sa nuit, En poussière noire, autour de lui. Angles, bosses, plaques, verrues, Font leur saillie à sa façade ; Il est d’un bloc — et sa largeur est perforée, De part en part, de fenêtres carrées Qui regardent la cour symétrique et maussade. Et c’est là qu’ils végètent, les vieux, Autour de grands poëles de fonte. L’hiver est froid, le vent hargneux, Oh ! que de fois, les soirs, ils font le compte De leurs malheurs, de leurs chagrins, À sourde voix, à lentes mains, Devant les autres vieux, qui n’écoutent plus guère. Il en est qui s’en furent en guerre, Si loin, que les astres de leur bruyère N’éclairaient plus ces pays de là-bas ; Ils en sont revenus, minés et las, Heureux du maigre emploi que leur offrait la ville ; D’autres survivent seuls à leur famille ; D’autres songent à leur enfant, Qui s’embarqua vers les levants, Sans rien leur en apprendre, Et c’est leur mal de chaque jour, De repenser encor à son retour Et de ne plus y croire, et, néanmoins, toujours, D’attendre… Oh ! ces vitres par où l’on voit, Au long de blancs murs droits, Traîner les vieux, de fenêtre en fenêtre ; Et ces couloirs où l’on entend Sonner le bruit intermittent De leurs bâtons de hêtre ; Et ce piteux et pauvre banc, Où, deux par deux, au jour tombant, Ils s’arrêtent et longuement se taisent, Quand leurs pipes, comme des braises, Brûlent seules, de leurs points d’or, Le vide obscur et mort Des corridors. Les vieux, les pauvres vieux, avec leur dos en bois, Et leurs regards lointains, et leur défunte voix, Et leurs craintes durant les insomnies, Et leur patience à compter le temps, Et l’égoïste et mécanique entêtement De leurs manies ! Voici la nuit qui tombe et attise leurs maux ; Voici leurs lents départs, comme les mots Monotones des litanies, Et leur silence, au fond du vieux dortoir, Où les cierges éclaireront, un soir, Leurs agonies. Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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