COUPS DE COEUR POETIQUES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -35%
Pack Smartphone Samsung Galaxy A25 6,5″ 5G + ...
Voir le deal
241 €

Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus

Aller en bas

Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus Empty Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus

Message  Gil Def Dim 2 Mai - 9:15

Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus 721364  Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus 721364  Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus 721364


LA MORT ET LE DEUIL

Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus 0_som159





Ode funèbre 
"La figure de proue" - 1908
Lucie Delarue-Mardrus


Ode funèbre - Lucie Delarue-Mardrus Ode_fu10


À la mémoire d’Isabelle Eberhardt.

Il faudrait les tambours des grandes chevauchées
Ou l’innocent roseau qui s’enroue au désert…
Mais honorer ta fin de mes seuls yeux amers
Qui pleureront le long des routes desséchées !

Mais t’attendre, malgré la mort, à des tournants,
Quand les nuits sont, au Sud, de palmes et d’étoiles,
Quand les parfums des oasis sont dans nos moelles
Et que l’Islam circule en ses manteaux traînants !

Te regretter, alors que je ne t’ai point vue,
Au moment où mes mains allaient prendre tes mains,
Me heurter, moi vivante, à toi, tombe imprévue,
Sans avoir échangé le regard des humains !

Je pense à toi, je pense à toi dans les soirs roses,
Jeune femme, ma sœur, jeune morte, ma sœur !
Tu me parles parmi l’éloquence des choses,
Et ta voix, ô vivante, est pleine de douceur.

Salut à toi, dans la douleur de la lumière
Où tu vécus d’ivresse et de fatalité !
Le désert est moins grand que ton âme plénière
Qui se dédia toute à son immensité.

Toi qui n’étais pas lasse encore d’être libre,
D’avoir tant possédé tout ce que nous voulons,
Ni que toute beauté frissonnât par tes fibres
Comme un chant magistral traverse un violon,

Pourquoi la mort si tôt t’arrache-t-elle au monde,
Ne nous laissant plus rien que l’admiration,
Alors qu’il te restait encore, ô vagabonde,
À courir tant de risque et tant de passion ?

Tout se tait. La bêtise immense et l’injustice
Qui te regardaient vivre avec leurs yeux si gros,
Ne te poursuivront plus, au milieu de la lice,
Du hideux cri de mort qui s’attache aux héros.

Nous irons à présent lui dire qu’il se sauve,
Ton cheval démonté, sus aux quatre horizons,
Pour apprendre ta fin subite au néant fauve
Des Saharas sans bruit, sans forme, sans saisons.

Car toi tu dors, enfin parvenue au mystère
Que ton être anxieux cherchait toujours plus loin,
Enveloppée aux plis éternels de la terre,
Comme dans la douceur d’un manteau bédouin.



* Isabelle Eberhardt (1877-1904):
Journaliste et écrivaine.
On lui doit de nombreux écrits sur la réalité quotidienne de la société algérienne au temps de la colonisation française.








Autres textes du même auteur

A une mouette
De Honfleur
Eloge de mon cheval
En forêt de Brothonne
Hymne
In memoriam
L'odeur de mon pays
Le poème du lait normand
Retour à la mer






_________________
La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def
Gil Def
Admin

Masculin
Nombre de messages : 6699
Age : 75
Localisation : Nord de la France
Date d'inscription : 16/11/2007

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum