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Eveil d'une journée "Les Forces éternelles" - 1920 Anna de Noailles
Éveil d’une journée heureuse ! L’atmosphère semble mousseuse De chaleur, d’éclat, de langueur. La force brusque de mon cœur Bondit au ciel comme une balle ; Comme de secrètes cymbales L’argent des prés, l’argent des cieux, Se rapprochent en chocs joyeux Qui scintillent comme des lances ! Dans la verdure, le silence, — Halètement calme et dispos Sur qui passent de fines limes, — Est incrusté de bruits infimes : Cris légers, bonds légers d’oiseaux, Rouet aérien des guêpes, Frais chevrotement d’un ruisseau
Que la menthe rose intercepte. — Ô jeune splendeur de l’été Sûr de soi-même, indestructible, Si saturé de volupté Que votre orgueil semble insensible, Je souffre lorsque vous riez De toute votre verte force, Avec les pommiers, les poiriers, Les rameaux fuselés ou torses ; Je souffre lorsque je comprends Que votre éblouissant torrent, Céleste, écumeux, qui se pâme, Ne pourra réjouir mon âme Que pendant quelque temps encor ! — Saviez-vous quel puissant accord. Mêlé d’ineffable torture, M’apparente avec la nature, Par tous les rêves de ce corps Plus que vous gonflé de verdure, De plaisir défaillant et fort, De soleil, d’espoir, de folie ? — L’injuste ferveur qui me lie À l’univers aveugle et sourd Est mon triste et blâmable amour. solitude nostalgique ! Que peut ce végétal cantique Qui m’emplit et me méconnaît
Et me fait chanceler ? Je n’ai De repos, d’oubli, de délices, Que près de vous, tendre complice, Indolent et fougueux ami ! — Que vos bras étendus soient mis Devant l’espace qui m’oppresse. Guerroyant plaisir des caresses, Tumulte des regards humains, Fureur des lèvres et des mains, Dérobez à mon cœur qui souffre Le limpide et bleuâtre gouffre, Puisque l’amour seul peut ôter La tristesse de la beauté !
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