L'incantation du loup - Charles Marie Leconte de Lisle
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L'incantation du loup - Charles Marie Leconte de Lisle
L'HOMME ET LA NATURE LE MONDE ANIMAL |
L'incantation du loup "Poèmes tragiques" - 1884 Charles Marie Leconte de Lisle Les lourds rameaux neigeux du mélèze et de l’aune. Un grand silence. Un ciel étincelant d’hiver. Le Roi du Hartz, assis sur ses jarrets de fer, Regarde resplendir la lune large et jaune. Les gorges, les vallons, les forêts et les rocs Dorment inertement sous leur blême suaire, Et la face terrestre est comme un ossuaire Immense, cave ou plat, ou bossué par blocs. Tandis qu’éblouissant les horizons funèbres, La lune, œil d’or glacé, luit dans le morne azur, L’angoisse du vieux Loup étreint son cœur obscur, Un âpre frisson court le long de ses vertèbres. Sa louve blanche, aux yeux flambants, et les petits Qu’elle abritait, la nuit, des poils chauds de son ventre, Gisent, morts, égorgés par l’homme, au fond de l’antre. Ceux, de tous les vivants, qu’il aimait, sont partis. Il est seul désormais sur la neige livide. La faim, la soif, l’affût patient dans les bois, Le doux agneau qui bêle ou le cerf aux abois, Que lui fait tout cela, puisque le monde est vide ? Lui, le chef du haut Hartz, tous l’ont trahi, le Nain Et le Géant, le Bouc, l’Orfraie et la Sorcière, Accroupis près du feu de tourbe et de bruyère Où l’eau sinistre bout dans le chaudron d’airain. Sa langue fume et pend de la gueule profonde. Sans lécher le sang noir qui s’égoutte du flanc, Il érige sa tête aiguë en grommelant, Et la haine, dans ses entrailles, brûle et gronde. L’Homme, le massacreur antique des aïeux, De ses enfants et de la royale femelle Qui leur versait le lait ardent de sa mamelle, Hante immuablement son rêve furieux. Une braise rougit sa prunelle énergique ; Et, redressant ses poils roides comme des clous, Il évoque, en hurlant, l’âme des anciens loups Qui dorment dans la lune éclatante et magique. Autres textes du même auteur A George Sand A un poète mort A Victor Hugo Aux Modernes Aux morts Effet de lune L'albatros La chasse de l'aigle La forêt vierge La panthère noire Le coeur de Hialmar Le désert Le jaguar Le Nazaréen Le sacre de Paris Le soir d'une bataille Le Sommeil du vautour Les éléphants Les roses d'Ispahan Les taureaux Un coucher de soleil |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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