La chasse de l'aigle - Charles Marie Leconte de Lisle
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La chasse de l'aigle - Charles Marie Leconte de Lisle
L'HOMME ET LA NATURE LE MONDE ANIMAL |
La chasse de l'aigle "Poèmes tragiques" - 1884 Charles Marie Leconte de Lisle L’aigle noir aux yeux d’or, prince du ciel mongol, Ouvre, dès le premier rayon de l’aube claire, Ses ailes comme un large et sombre parasol. Un instant immobile, il plane, épie et flaire. Là-bas, au flanc du roc crevassé, ses aiglons Érigent, affamés, leurs cous au bord de l’aire. Par la steppe sans fin, coteau, plaine et vallons, L’œil luisant à travers l’épais crin qui l’obstrue, Pâturent, çà et là, des hardes d’étalons. L’un d’eux, parfois, hennit vers l’aube ; l’autre rue ; Ou quelque autre, tordant la queue, allègrement, Pris de vertige, court dans l’herbe jaune et drue. La lumière, en un frais et vif pétillement, Croît, s’élance par jet, s’échappe par fusée, Et l’orbe du soleil émerge au firmament. À l’horizon subtil où bleuit la rosée, Morne dans l’air brillant, l’aigle darde, anxieux, Sa prunelle infaillible et de faim aiguisée. Mais il n’aperçoit rien qui vole par les cieux, Rien qui surgisse au loin dans la steppe aurorale, Cerf ni daim, ni gazelle aux bonds capricieux. Il fait claquer son bec avec un âpre râle ; D’un coup d’aile irrité, pour mieux voir de plus haut, Il s’enlève, descend et remonte en spirale. L’heure passe, l’air brûle. Il a faim. À défaut De gazelle ou de daim, sa proie accoutumée, C’est de la chair, vivante ou morte, qu’il lui faut. Or, dans sa robe blanche et rase, une fumée Autour de ses naseaux roses et palpitants, Un étalon conduit la hennissante armée. Quand il jette un appel vers les cieux éclatants, La harde, qui tressaille à sa voix fière et brève, Accourt, l’oreille droite et les longs crins flottants. L’aigle tombe sur lui comme un sinistre rêve, S’attache au col troué par ses ongles de fer Et plonge son bec courbe au fond des yeux qu’il crève. Cabré, de ses deux pieds convulsifs battant l’air, Et comme empanaché de la bête vorace, L’étalon fait dans l’ombre ardente de l’enfer. Le ventre contre l’herbe, il fuit, et, sur sa trace, Ruisselle de l’orbite excave un flux sanglant ; Il fuit, et son bourreau le mange et le harasse. L’agonie en sueur fait haleter son flanc ; Il renâcle, et secoue, enivré de démence, Cette grande aile ouverte et ce bec aveuglant. Il franchit, furieux, la solitude immense, S’arrête brusquement, sur ses jarrets ployé, S’abat et se relève et toujours recommence. Puis, rompu de l’effort en vain multiplié, L’écume aux dents, tirant sa langue blême et rêche, Par la steppe natale il tombe foudroyé. Là, ses os blanchiront au soleil qui les sèche ; Et le sombre Chasseur des plaines, l’aigle noir, Retourne au nid avec un lambeau de chair fraîche, Ses petits affamés seront repus ce soir. Autres textes du même auteur A George Sand A un poète mort A Victor Hugo Aux Modernes Aux morts Effet de lune L'albatros L'incantation du loup La forêt vierge La panthère noire Le coeur de Hialmar Le désert Le jaguar Le Nazaréen Le sacre de Paris Le soir d'une bataille Le Sommeil du vautour Les éléphants Les roses d'Ispahan Les taureaux Un coucher de soleil |
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