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Théophile Gautier "Dans la fournaise" - 1892 Théodore de Banville
Pour entrer vainqueur dans la gloire, Le grand Théophile Gautier S’est levé de la tombe noire. Il revit pour nous tout entier.
Son œuvre est une moisson mûre. Il paraît beau comme un lion Et comme, en sa pesante armure, Un héros du temps d’Ilion.
Dans sa ville parisienne Il renaît et peut marier Sa chevelure ambroisienne Au feuillage du noir laurier.
Autour de ses lèvres sublimes S’élance, fuyant les réseaux, L’essaim mystérieux des rimes Qui volent comme des oiseaux.
Et l’Ode, qui le sut élire, Près de lui, pour charmer le jour, Fait résonner la grande Lyre Et chante, avec des cris d’amour.
Ici, pendant l’apprentissage Qu’il faisait, pour charmer les cieux, Le divin Gautier fut un sage, Indulgent et silencieux.
Paré pour l’éternelle fête Dont les astres sont les témoins, Cet exilé fut un Poëte. Oui, rien de plus et rien de moins.
Rien de plus, ô Dieux ! Comme Orphée, Vivre avec les yeux pleins d’azur, Voir au loin, dans l’ombre étouffée, Passer la figure au front pur ;
Et la bouche pleine de cendre, Pâle de tous les maux soufferts, Chercher sa proie, et la reprendre Aux Dieux effrayants des enfers ;
Dire les magiques paroles Pour être, en son espoir divin, Traqué par les Bacchantes folles Que guide la fureur du vin ;
Toujours emporté dans le songe Qui berce un rêveur enchanté, Mépriser, comme un vil mensonge, Tout ce qui n’est pas la beauté ;
Garder, comme en un sanctuaire, L’idéale forme du corps Et savoir, comme un statuaire, Immobiliser ses accords ;
Ainsi qu’un aigle, vers le faîte Ouvrir son vol, toujours altier, Voilà ce que fait un Poëte Comme Théophile Gautier.
Il ne fut rien de plus ! Génie Ayant fièrement combattu, Il subit sa lente agonie Sans perdre la mâle vertu.
Et maintenant, sans qu’un barbare L’insulte avec des cris hagards, Écoutant s’exalter Pindare Au bruit des chevaux et des chars,
Éclatant de joie et de lustre, Il appartient, sous le ciel bleu, À la même lignée illustre Que Hugo, son maître et son dieu.
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