Epilogue - Louis Aragon
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Epilogue - Louis Aragon
DE LA CONDITION HUMAINE MULTIPLES VERSIONS |
Epilogue "Les Poètes" - 1960 Louis Aragon Musique : Jean Ferrat Interprète : Jean Ferrat Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baissés les mains vides Et la mer dont j’entends le bruit est une mer qui ne rend jamais ses noyés Et l’on va disperser mon âme après moi vendre à l’encan mes rêves broyés Voilà déjà que mes paroles sèchent comme une feuille à ma lèvre humide J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon cœur quatre fois y battre Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ Et tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre J’ai choisi de donner à mes vers cette envergure de crucifixion Et qu’en tombe au hasard la chance n’importe où sur moi le couteau des césures Il me faut bien à la fin des fins atteindre une mesure à ma démesure Pour à la taille de la réalité faire un manteau de mes fictions Cette vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent Les courants d’air claquent les portes et pourtant aucune chambre n’est fermée Il s’y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu’on n’en peut plus baisser la herse Dans cette demeure en tout cas anciens ou nouveaux nous ne sommes pas chez nous Personne à coup sûr ne sait ce qui le mène ici tout peut-être n’est qu’un songe Certains ont froid d’autres ont faim la plupart des gens ont un secret qui les ronge De temps en temps passent des rois sans visage On se met devant eux à genoux Quand j’étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges Ah comme j’y ai cru comme j’y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux Et ce qu’il en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change Ils s’interrogent sur l’essentiel sur ce qui vaut encore qu’on s’y voue Ils voient le peu qu’ils ont fait parcourant ce chantier monstrueux qu’ils abandonnent L’ombre préférée à la proie ô pauvre gens l’avenir qui n’est à personne Petits qui jouez dans la rue enfants quelle pitié sans borne j’ai de vous Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude Vous n’aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le plis des habitudes Bien sûr bien sûr vous me direz que c’est toujours comme cela mais justement Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l’engrenage Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage Est-ce qu’on peut avoir le droit au désespoir le droit de s’arrêter un moment Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d’autres sont montés Arracher le drapeau de servitude à l’Acropole et qu’on les a jetés Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l’histoire Songez qu’on n’arrête jamais de se battre et qu’avoir vaincu n’est trois fois rien Et que tout est remis en cause du moment que l’homme de l’homme est comptable Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d’épouvantables Car il n’est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien Vous passerez par où nous passâmes naguère en vous je lis à livre ouvert J’entends ce cœur qui bat en vous comme un cœur me semble-t-il en moi battait Vous l’userez je sais comment et comment cette chose en vous s’éteint se tait Comment l’automne se défarde et le silence autour d’une rose d’hiver Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant En face pour savoir en triompher Le chant n’est pas moins beau quand il décline Il faut savoir ailleurs l’entendre qui renaît comme l’écho dans les collines Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l’ensemble des chants Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu’une voix se taise Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue Du moment que jusqu’au bout de lui-même le chanteur a fait ce qu’il a pu Qu’importe si chemin faisant vous allez m’abandonner comme une hypothèse Je vous laisse à mon tour comme le danseur qui se lève une dernière fois Ne lui reprochez pas dans ses yeux s’il trahit déjà ce qu’il porte en lui d’ombre Je ne peux plus vous faire d’autres cadeaux que ceux de cette lumière sombre Hommes de demain soufflez sur les charbons A vous de dire ce que je vois Autres textes du même auteur Aimer à perdre la raison Ballade de celui qui chanta dans les supplices Carco C'est si peu dire que je t'aime Est-ce ainsi que les hommes vivent Heureux celui qui meurt d'aimer Il n'aurait fallu Il n'y a pas d'amour heureux J'arrive ou je suis étranger Je chante pour passer le temps Je t'aime par les chemins noirs Je vous salue ma France J'entends, j'entends L'affiche rouge L'étrangère La chanson noire La Rose et le Réséda La soif et la source Le feu Le malheur d'aimer Les larmes se ressemblent Les lilas et les roses Les oiseaux déguisés Les poètes Les yeux d'Elsa Maintenant que la jeunesse Nous dormirons ensemble Pablo mon ami Que serais-je sans toi ? Robert le Diable Tu n'en reviendras pas Un homme passe sous ma fenêtre et chante Un jour, un jour |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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