L'hiver - Théodore Agrippa d'Aubigné
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L'hiver - Théodore Agrippa d'Aubigné
LA VIE AU FIL DU TEMPS LA VIEILLESSE |
L'hiver "Petites oeuvres mêlées" - 1630 Théodore Agrippa d'Aubigné Récitant : Christian Gonon Mes volages humeurs, plus stériles que belles, S'en vont, et je leur dis : Vous sentez, hirondelles, S'éloigner la chaleur et le froid arriver. Allez nicher ailleurs, pour ne tacher, impures, Ma couche de babil et ma table d'ordures ; Laissez dormir en paix la nuit de mon hiver. D'un seul point le soleil n'éloigne l'hémisphère ; Il jette moins d'ardeur, mais autant de lumière, Je change sans regrets lorsque je me repens Des frivoles amours et de leur artifice. J'aime l'hiver qui vient purger mon coeur du vice, Comme de peste l'air, la terre de serpents. Mon chef blanchit dessous les neiges entassées Le soleil, qui reluit les échauffe, glacées, Mais ne les peut dissoudre au plus court de ses mois. Fondez, neiges, venez dessus mon coeur descendre, Qu'encores il ne puisse allumer de ma cendre Du brasier, comme il fit des flammes autrefois. Mais quoi ! serai-je éteint devant ma vie éteinte ? Ne luira plus en moi la flamme vive et sainte, Le zèle flamboyant de ta sainte maison ? Je fais aux saints autels holocaustes des restes. De glace aux feux impurs, et de naphte aux célestes : Clair et sacré flambeau, non funèbre tison. ! Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines. Le rossignol se tait, se taisent les Sirènes : Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs ; L'espérance n'est plus bien souvent tromperesse ; L'hiver jouit de tout. Bienheureuse vieillesse, La saison de l'usage et non plus des labeurs ! Mais la mort n'est pas loin ; cette mort est suivie D'un vivre sans mourir, fin d'une fausse vie : Vie de notre vie et mort de notre mort. Qui hait la sûreté pour aimer le naufrage ? Qui a jamais été si friand de voyage Que la longueur en soit plus douce que le port ? Autres textes du même auteur Au tribunal d'amour après mon dernier jour Guerre ouverte et non point tant de subtilités J'entreprens hardiment de te rendre éternelle Les lys me semblent noirs et le miel aigre à outrance Mais quoi ! déjà les Cieux d'accordent à pleurer Mille baisers perdus, mille et mille faveurs Nos désirs sont d'amour la dévorante braise Oui mais ainsi qu'on voit en la guerre civile Sort ironique et cruel ! le triste laboureur Tout cela qui sent l'homme à mourir Un clairvoyant faucon en volant par rivière Veux-tu savoir qui peut faire la vie heureuse |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
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