Tu m'as trouvé - Louis Aragon
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Tu m'as trouvé - Louis Aragon
LES PORTRAITS PORTRAITS SINGULIERS |
Tu m'as trouvé "Le Roman inachevé" - 1956 Louis Aragon Tu m’as trouvé comme un caillou que l’on ramasse sur la plage Comme un bizarre objet perdu dont nul ne peut dire l’usage Comme l’algue sur un sextant qu’échoue à terre la marée Comme à la fenêtre un brouillard qui ne demande qu’à entrer Comme le désordre d’une chambre d’hôtel qu’on n’a pas faite Un lendemain de carrefour dans les papiers gras de la fête Un voyageur sans billet assis sur le marchepied du train Un ruisseau dans leur champ détourné par les mauvais riverains Une bête des bois que les autos ont prise dans leurs phares Comme un veilleur de nuit qui s’en revient dans le matin blafard Comme un rêve mal dissipé dans l’ombre noire des prisons Comme l’affolement d’un oiseau fourvoyé dans la maison Comme au doigt de l’amant trahi la marque rouge d’une bague Une voiture abandonnée au milieu d’un terrain vague Comme une lettre déchirée éparpillée au vent des rues Comme le hâle sur les mains qu’a laissé l’été disparu Comme le regard blessé de l’être qui voit qu’il s’égare Comme les bagages laissés en souffrance dans une gare Comme une porte quelque part ou peut-être un volet qui bat Le sillon pareil du cœur et de l’arbre où la foudre tomba Une pierre au bord de la route en souvenir de quelque chose Un mal qui n’en finit pas plus que la couleur des ecchymoses Comme au loin sur la mer la sirène inutile d’un bateau Comme longtemps après dans la chair la mémoire du couteau Comme le cheval échappé qui boit l’eau sale d’une mare Comme un oreiller dévasté par une nuit de cauchemars Comme une injure au soleil avec de la paille dans les yeux Comme la colère à revoir que rien n’a changé sous les cieux Tu m’as trouvé dans la nuit comme une parole irréparable Comme un vagabond pour dormir qui s’était couché dans l’étable Comme un chien qui porte un collier aux initiales d’autrui Un homme des jours d’autrefois empli de fureur et de bruit. [ Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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