Interrogatoire - Pierre Emmanuel
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Interrogatoire - Pierre Emmanuel
DE LA CONDITION HUMAINE MULTIPLES VERSIONS |
Interrogatoire "Versant de l’âge" - 1958 Pierre Emmanuel I Je ne remplirai plus vos questionnaires Je ne sais comment je m’appelle Qui est ce Je qui appelle Ni ce moi qui est appelé Ni ce jeu entre Je et moi Cette vie à tu et à toi Ces deux-ci partageant cet Un-là Un seul masque et deux faussetés. II Vous me demandez où j’étais Avant d’être au sein de ma mère J’étais où je suis quand je rêve Que mon père n’est pas encore né Dans la sève qui ne jaillit pas Le fleuve blotti dans la fente Tel Adam existe et n’est pas Avant qu’Eve naissant de lui ne l’enfante Il y a quarante ans que je ne suis pas né Ou mille, ou la durée du monde Il y a quarante ans que j’occupe mon corps Sans être ici Où est mon poids c’est là ma place Nulle part je ne suis présent – j’habite là Un lieu donné mais non reçu Là où vous êtes Qu’y sommes-nous des voix sans écho Des feux follets sur la boue séminale Feux détrempés sans force pour saisir La terre au four la chair dans une forme Toute parole est bulle de limon Nous épuisons en pertes spermatiques L’excès des mots l’esprit sans érection Sèche étincelle où la mer se concentre Tête du sexe ô Logos géniteur Nous sommes trop femellins trop humides Trop amollis par nos étreintes vides Pour t’ériger dans l’axe du soleil Pour prendre appui au mur de nos vertèbres Et nous dresser à pic Et vivre ici. III Est-il besoin d’océans de semence Pour contenir la postérité d’Abraham ? Il y suffit d’un pleur de la rosée Encor faut-il que ce pleur soit versé Pour que s’infuse en lui l’aube première Celui qui laisse une femme au matin Fraîche et mouillée comme rose au jardin Il est le père de tous les hommes Il est fondé sur l’orgueil de ses reins La glorieuse humilité de ses reins Il est le même innombrable il est Un Multiplié par le ciel plein d’étoiles Et par l’écume au vente de la mer Homme debout telle une forêt d’hommes Quand il dit je chacun se nomme en lui Sa frondaison bourgeonne de visages Quêtant ses yeux pour s’y voir définis Oui vraiment Je que nul moi n’incarcère Centre parfait qui rayonne et s’oublie Il a le temps d’être un dans tous ses frères Et tout entier ici et maintenant Foyer infime et raison de la sphère Il est élu de l’éternel présent Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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