Souvenir de la nuit du 4 - Victor Hugo
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Souvenir de la nuit du 4 - Victor Hugo
HISTOIRE ET POLITIQUE LE SECOND EMPIRE |
Souvenir de la nuit du 4 "Les Châtiments" - 1853 Victor Hugo Récitant : Marc Slingeneyer L’enfant avait reçu deux balles dans la tête. Le logis était propre, humble, paisible, honnête ; On voyait un rameau bénit sur un portrait. Une vieille grand’mère était là qui pleurait. Nous le déshabillions en silence. Sa bouche, Pâle, s’ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ; Ses bras pendants semblaient demander des appuis. Il avait dans sa poche une toupie en buis. On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies. Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ? Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend. L’aïeule regarda déshabiller l’enfant, Disant : — Comme il est blanc ! approchez donc la lampe. Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe ! — Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux. La nuit était lugubre ; on entendait des coups De fusil dans la rue où l’on en tuait d’autres. — Il faut ensevelir l’enfant, dirent les nôtres. Et l’on prit un drap blanc dans l’armoire en noyer. L’aïeule cependant l’approchait du foyer, Comme pour réchauffer ses membres déjà roides, Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides Ne se réchauffe plus aux foyers d’ici-bas ! Elle pencha la tête et lui tira ses bas, Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre. — Est-ce que ce n’est pas une chose qui navre ! Cria-t-elle ; monsieur, il n’avait pas huit ans ! Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents. Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre, C’est lui qui l’écrivait. Est-ce qu’on va se mettre À tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu ! On est donc des brigands ? Je vous demande un peu, Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre ! Dire qu’ils m’ont tué ce pauvre petit être ! Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus. Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus. Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ; Cela n’aurait rien fait à monsieur Bonaparte De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! — Elle s’interrompit, les sanglots l’étouffant. Puis elle dit, et tous pleuraient près de l’aïeule : — Que vais-je devenir à présent toute seule ? Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd’hui. Hélas ! je n’avais plus de sa mère que lui. Pourquoi l’a-t-on tué ? je veux qu’on me l’explique. L’enfant n’a pas crié vive la République. — Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas, Tremblant devant ce deuil qu’on ne console pas. Vous ne compreniez point, mère, la politique. Monsieur Napoléon, c’est son nom authentique, Est pauvre, et même prince ; il aime les palais ; Il lui convient d’avoir des chevaux, des valets, De l’argent pour son jeu, sa table, son alcôve, Ses chasses ; par la même occasion, il sauve La famille, l’église et la société ; Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l’été, Où viendront l’adorer les préfets et les maires ; C’est pour cela qu’il faut que les vieilles grand’mères, De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps, Cousent dans le linceul des enfants de sept ans. LES MORTS DU 4 DECEMBRE 1851 Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte fait procéder à une vague d’arrestations concernant toutes les personnes susceptibles de s’opposer au coup d’Etat qu’il a décidé. S’en suivent des mouvements de révolte à Paris et en province. Le 4 décembre 1851, Morny, le ministre de l’Intérieur décide de réprimer l’insurrection naissante. Ainsi ce jour-là, à Paris, l’armée est en panique et mitraille mais parmi les morts, il y a des gens, des femmes, des enfants qui ne sont en rien des insurgés. C’est ce qui motive le texte de Victor Hugo qui évoque la mort d’un enfant, mort de la connerie du pouvoir. Liens vers les textes de cet auteur |
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