Le deuil - Victor Hugo
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Le deuil - Victor Hugo
LA MORT ET LE DEUIL |
Le deuil "L'Année terrible" - 1872 Victor Hugo Charles Hugo Charle ! Charle ! ô mon fils ! quoi donc ! tu m’as quitté Ah ! tout fuit ! rien ne dure ! Tu t’es évanoui dans la grande clarté Qui pour nous est obscure. Charles, mon couchant voit périr ton orient. Comme nous nous aimâmes ! L’homme, hélas ! crée, et rêve, et lie en souriant Son âme à d’autre âmes ; Il dit : C’est éternel ! et poursuit son chemin ; Il se met à descendre, Vit, souffre, et tout à coup dans le creux de sa main N’a plus que de la cendre. Hier j’étais proscrit. Vingt ans, des mers captif, J’errai, l’âme meurtrie ; Le sort nous frappe, et seul il connaît le motif. Dieu m’ôta la patrie. Aujourd’hui je n’ai plus de tout ce que j’avais Qu’un fils et qu’une fille ; Me voilà presque seul dans cette ombre où je vais ; Dieu m’ôte la famille. Oh ! demeurez, vous deux qui me restez ! nos nids Tombent, mais votre mère Vous bénit dans la mort sombre, et je vous bénis, Moi, dans la vie amère. Oui, pour modèle ayant le martyr de Sion, J’achèverai ma lutte, Et je continuerai la rude ascension Qui ressemble à la chute. Suivre la vérité me suffit ; sans rien voir Que le grand but sublime, Je marche, en deuil, mais fier ; derrière le devoir Je vais droit à l’abîme. LA MORT DE CHARLES HUGO Victor Hugo fut père de cinq enfants : Léopold, Léopoldine, Charles, François-Victor et Adèle. Son second fils, Charles, dont il est question dans ce texte, meurt le 13 mars 181 à l’âge de 44 ans, d’une apoplexie foudroyante. Dans une correspondance avec Paul Meurice et Auguste Vacquerie, Victor Hugo évoque les circonstances de ce drame : « Chers amis, je n’y vois pas, j’écris à travers les larmes ; j’entends d’ici les sanglots d’Alice, j’ai le cœur brisé. Charles est mort. Hier matin, nous avions déjeuné gaîment ensemble, avec Louis Blanc et Victor. Je donnais le soir un dîner d’adieu à divers amis, au restaurant Lanta, à huit heures. Charles prend un fiacre pour s’y faire conduire, avec ordre de descendre d’abord à un café qu’il indique. Il était seul dans la voiture. Arrivé au café, le cocher ouvre la portière, et trouve Charles mort. Il avait eu une congestion foudroyante suivie d’hémorragie. On nous a rapporté ce pauvre cadavre que j’ai couvert de baisers. Depuis quelques semaines, Charles était souffrant. Sa bronchite, gagnée à faire son service d’artilleur au siège de Paris, s’était aggravée. Nous comptions aller à Arcachon pour le remettre. Il aurait bu de l’eau de pin. Nous nous faisions une joie de passer là en famille une ou deux semaines. Tout cela est évanoui. Ce grand Charles, si bon, si doux, d’un si haut esprit, d’un si puissant talent, le voilà parti. Hélas ! Je suis accablé. Je vous ai envoyé une dépêche. Quand ce mot vous arrivera, je pense que Victor sera en route pour revenir à Bordeaux. Je veux emporter Charles. Nous le mettrons à Paris avec mon père ou à Villequier avec sa mère. Aimez-moi. V. » Liens vers les textes de cet auteur |
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