A petite Jeanne - Victor Hugo
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A petite Jeanne - Victor Hugo
AINSI VA LA VIE L'ENFANCE |
A petite Jeanne "L'Année terrible" - 1872 Victor Hugo Victor Hugo avec Jeanne et Georges, ses petits-enfants Vous eûtes donc hier un an, ma bien-aimée. Contente, vous jasez, comme, sous la ramée, Au fond du nid plus tiède ouvrant de vagues yeux, Les oiseaux nouveau-nés gazouillent, tout joyeux De sentir qu’il commence à leur pousser des plumes. Jeanne, ta bouche est rose ; et dans les gros volumes Dont les images font ta joie, et que je dois, Pour te plaire, laisser chiffonner par tes doigts On trouve de beaux vers, mais pas un qui te vaille Quand tout ton petit corps en me voyant tressaille ; Les plus fameux auteurs n’ont rien écrit de mieux Que la pensée éclose à demi dans tes yeux, Et que ta rêverie obscure, éparse, étrange, Regardant l’homme avec l’ignorance de l’ange. Jeanne, Dieu n’est pas loin puisque vous êtes là. Ah ! vous avez un an, c’est un âge cela ! Vous êtes par moments grave, quoique ravie ; Vous êtes à l’instant céleste de la vie Où l’homme n’a pas d’ombre, où dans ses bras ouverts, Quand il tient ses parents, l’enfant tient l’univers ; Votre jeune âme vit, songe, rit, pleure, espère D’Alice votre mère à Charles votre père ; Tout l’horizon que peut contenir votre esprit Va d’elle qui vous berce à lui qui vous sourit ; Ces deux êtres pour vous à cette heure première Sont toute la caresse et toute la lumière ; Eux deux, eux seuls, ô Jeanne ; et c’est juste ; et je suis, Et j’existe, humble aïeul, parce que je vous suis ; Et vous venez, et moi je m’en vais ; et j’adore, N’ayant droit qu’à la nuit, votre droit à l’aurore. Votre blond frère George et vous, vous suffisez A mon âme, et je vois vos jeux, et c’est assez ; Et je ne veux, après mes épreuves sans nombre, Qu’un tombeau sur lequel se découpera l’ombre De vos berceaux dorés par le soleil levant. Ah ! nouvelle venue innocente, et rêvant, Vous avez pris pour naître une heure singulière ; Vous êtes, Jeanne, avec les terreurs familière ; Vous souriez devant tout un monde aux abois ; Vous faites votre bruit d’abeille dans les bois, O Jeanne, et vous mêlez votre charmant murmure Au grand Paris faisant sonner sa grande armure. Ah ! quand je vous entends, Jeanne, et quand je vous vois Chanter, et, me parlant avec votre humble voix, Tendre vos douces mains au-dessus de nos têtes, Il me semble que l’ombre où grondent les tempêtes Tremble et s’éloigne avec des rugissements sourds, Et que Dieu fait donner à la ville aux cent tours Désemparée ainsi qu’un navire qui sombre, Aux énormes canons gardant le rempart sombre, A l’univers qui penche et que Paris défend, Sa bénédiction par un petit enfant. Liens vers les textes de cet auteur |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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