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Pauline Roland - Victor Hugo

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Pauline Roland - Victor Hugo Empty Pauline Roland - Victor Hugo

Message  Gil Def Lun 19 Avr - 8:53

Pauline Roland - Victor Hugo 721364  Pauline Roland - Victor Hugo 721364  Pauline Roland - Victor Hugo 721364


HISTOIRE ET POLITIQUE
LE SECOND EMPIRE

Pauline Roland - Victor Hugo Napolz14





Pauline Roland
"Les Châtiments" - 1853
Victor Hugo


Pauline Roland - Victor Hugo Paulin11


Elle ne connaissait ni l’orgueil ni la haine ;
Elle aimait ; elle était pauvre, simple et sereine ;
Souvent le pain qui manque abrégeait son repas.
Elle avait trois enfants, ce qui n’empêchait pas
Qu’elle ne se sentît mère de ceux qui souffrent.
Les noirs évènements qui dans la nuit s’engouffrent,
Les flux et les reflux, les abîmes béants,
Les nains, sapant sans bruit l’ouvrage des géants,
Et tous nos malfaiteurs inconnus ou célèbres,
Ne l’épouvantaient point ; derrière ces ténèbres,
Elle apercevait Dieu construisant l’avenir.
Elle sentait sa foi sans cesse rajeunir ;
De la liberté sainte elle attisait les flammes,
Elle s’inquiétait des enfants et des femmes ;
Elle disait, tendant la main aux travailleurs :
La vie est dure ici, mais sera bonne ailleurs.
Avançons ! — Elle allait, portant de l’un à l’autre
L’espérance ; c’était une espèce d’apôtre
Que Dieu, sur cette terre où nous gémissons tous,
Avait fait mère et femme, afin qu’il fût plus doux.
L’esprit le plus farouche aimait sa voix sincère ;
Tendre, elle visitait, sous leur toit de misère,
Tous ceux que la famine ou la douleur abat,
Les malades pensifs, gisant sur leur grabat,
La mansarde où languit l’indigence morose ;
Quand, par hasard moins pauvre, elle avait quelque chose,
Elle le partageait à tous comme une sœur ;
Quand elle n’avait rien, elle donnait son cœur.
Calme et grande, elle aimait comme le soleil brille.
Le genre humain pour elle était une famille,
Comme ses trois enfants étaient l’humanité.
Elle criait : progrès ! amour ! fraternité !
Elle ouvrait aux souffrants des horizons sublimes.

Quand Pauline Roland eut commis tous ces crimes,
Le sauveur de l’église et de l’ordre la prit
Et la mit en prison. Tranquille, elle sourit,
Car l’éponge de fiel plaît à ces lèvres pures.
Cinq mois elle subit le contact des souillures,
L’oubli, le rire affreux du vice, les bourreaux,
Et le pain noir qu’on jette à travers les barreaux,
Edifiant la geôle au mal habituée,
Enseignant la voleuse et la prostituée.
Ces cinq mois écoulés, un soldat, un bandit,
Dont le nom souillerait ces vers, vint et lui dit :
— Soumettez-vous sur l’heure au règne qui commence,
Reniez votre foi ; sinon, pas de clémence,
Lambessa ! choisissez. — Elle dit : Lambessa.
Le lendemain la grille en frémissant grinça,
Et l’on vit arriver un fourgon cellulaire.
— Ah ! voici Lambessa, dit-elle sans colère.
Elles étaient plusieurs qui souffraient pour le droit
Dans la même prison. Le fourgon trop étroit
Ne put les recevoir dans ses cloisons infâmes ;
Et l’on fit traverser tout Paris à ces femmes,
Bras dessus bras dessous avec les argousins.
Ainsi que des voleurs et que des assassins,
Les sbires les frappaient de paroles bourrues.
S’il arrivait parfois que les passants des rues,
Surpris de voir mener ces femmes en troupeau,
S’approchaient et mettaient la main à leur chapeau,
L’argousin leur jetait des sourires obliques,
Et les passants fuyaient, disant : filles publiques !
Et Pauline Roland disait : courage, sœurs !
L’océan au bruit rauque, aux sombres épaisseurs,
Les emporta. Durant la rude traversée,
L’horizon était noir, la bise était glacée,
Sans l’ami qui soutient, sans la voix qui répond,
Elles tremblaient. La nuit, il pleuvait sur le pont.
Pas de lit pour dormir, pas d’abri sous l’orage,
Et Pauline Roland criait : mes soeurs, courage !
Et les durs matelots pleuraient en les voyant.
On atteignit l’Afrique au rivage effrayant,
Les sables, les déserts qu’un ciel d’airain calcine,
Les rocs sans une source et sans une racine ;
L’Afrique, lieu d’horreur pour les plus résolus,
Terre au visage étrange où l’on ne se sent plus
Regardé par les yeux de la douce patrie.
Et Pauline Roland, souriante et meurtrie,
Dit aux femmes en pleurs : courage, c’est ici.
Et quand elle était seule, elle pleurait aussi.
Ses trois enfants ! loin d’elle ! Oh ! quelle angoisse amère !
Un jour, un des geôliers dit à la pauvre mère,
Dans la casbah de Bone aux cachots étouffants :
- Voulez-vous être libre et revoir vos enfants ?
Demandez grâce au prince. — Et cette femme forte
Dit : — J’irai les revoir lorsque je serai morte.
Alors sur la martyre, humble cœur indompté,
On épuisa la haine et la férocité.
Bagnes d’Afrique ! enfers qu’a sondés Ribeyrolles !
Oh ! la pitié sanglote et manque de paroles,
Une femme, une mère, un esprit ! ce fut là
Que malade, accablée et seule, on l’exila.
Le lit de camp, le froid et le chaud, la famine,
Le jour, l’affreux soleil, et, la nuit, la vermine,
Les verrous, le travail sans repos, les affronts,
Rien ne plia son âme ; elle disait : — Souffrons ;
Souffrons comme Jésus, souffrons comme Socrate. -
Captive, on la traîna sur cette terre ingrate ;
Et, lasse, et quoiqu’un ciel torride l’écrasât,
On la faisait marcher à pied comme un forçat.
La fièvre la rongeait ; sombre, pâle, amaigrie,
Le soir elle tombait sur la paille pourrie,
Et de la France aux fers murmurait le doux nom.
On jeta cette femme au fond d’un cabanon.
Le mal brisait sa vie et grandissait son âme.
Grave, elle répétait : - Il est bon qu’une femme,
Dans cette servitude et cette lâcheté,
Meure pour la justice et pour la liberté. -
Voyant qu’elle râlait, sachant qu’ils rendront compte,
Les bourreaux eurent peur, ne pouvant avoir honte ;
Et l’homme de décembre abrégea son exil.
- Puisque c’est pour mourir, qu’elle rentre ! dit-il.-
Elle ne savait plus ce que l’on faisait d’elle.
L’agonie à Lyon la saisit. Sa prunelle,
Comme la nuit se fait quand baisse le flambeau,
Devint obscure et vague, et l’ombre du tombeau
Se leva lentement sur son visage blême.
Son fils, pour recueillir, à cette heure suprême,
Du moins son dernier souffle et son dernier regard,
Accourut. Pauvre mère ! Il arriva trop tard.
Elle était morte ; morte à force de souffrance,
Morte sans avoir su qu’elle voyait la France,
Et le doux ciel natal aux rayons réchauffants ;
Morte dans le délire en criant : mes enfants !
On n’a pas même osé pleurer à ses obsèques ;
Elle dort sous la terre. — Et maintenant, évêques,
Debout, la mitre au front, dans l’ombre du saint lieu,
Crachez vos Te Deum à la face de Dieu !





PAULINE ROLAND

Pauline Roland fut une militante féministe et socialiste. Ce qui n'était pas du tout apprécié par le pouvoir, elle fut ainsi arrêtée et traduit en justice pour féminisme, socialisme et débauche, et condamnée à une peine de sept mois de prison. Elle sortit de prison en juillet 1851 mais cela ne l'empêcha pas de s'opposer au coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte en décembre 1851. Condamnée à dix ans de déportation en Algérie, elle ne dut sa libération anticipée qu’à l’intervention de George Sand et de Pierre-Jean de Béranger. Sur le chemin du retour où elle allait retrouver ses enfants, les dures conditions de détention qu’elle avait dû endurer finirent par avoir raison de sa santé et entraîner sa mort le 15 décembre 1852.  



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