Je sais bien qu'il est d'usage - Victor Hugo
Page 1 sur 1
Je sais bien qu'il est d'usage - Victor Hugo
ETATS ET DISPOSITIONS DE L'ESPRIT CROYANCES OU CONVICTIONS |
Je sais bien qu'il est d'usage "Les Contemplations" - 1856 Victor Hugo Je sais bien qu’il est d’usage D’aller en tous lieux criant Que l’homme est d’autant plus sage Qu’il rêve plus de néant ; D’applaudir la grandeur noire, Les héros, le fer qui luit, Et la guerre, cette gloire Qu’on fait avec de la nuit ; D’admirer les coups d’épée, Et la fortune, ce char Dont une roue est Pompée, Dont l’autre roue est César ; Et Pharsale et Trasimène, Et tout ce que les Nérons font voler de cendre humaine Dans le souffle des clairons ! Je sais que c’est la coutume D’adorer ces nains géants Qui, parce qu’ils sont écume, Se supposent océans ; Et de croire à la poussière, À la fanfare qui fuit, Aux pyramides de pierre, Aux avalanches de bruit. Moi, je préfère, ô fontaines, Moi, je préfère, ô ruisseaux, Au Dieu des grands capitaines, Le Dieu des petits oiseaux ! Ô mon doux ange, en ces ombres Où, nous aimant, nous brillons, Au Dieu des ouragans sombres Qui poussent les bataillons, Au Dieu des vastes armées, Des canons au lourd essieu, Des flammes et des fumées, Je préfère le bon Dieu ! Le bon Dieu, qui veut qu’on aime, Qui met au cœur de l’amant Le premier vers du poëme Le dernier au firmament ; Qui songe à l’aile qui pousse, Aux œufs blancs, au nid troublé, Si la caille a de la mousse, Et si la grive a du blé ; Et qui fait, pour les Orphées, Tenir, immense et subtil, Tout le doux monde des fées Dans le vert bourgeon d’avril ! Si bien, que cela s’envole Et se disperse au printemps, Et qu’une vague auréole Sort de tous les nids chantants ! Vois-tu, quoique notre gloire Brille en ce que nous créons, Et dans notre grande histoire Pleine de grands panthéons ; Quoique nous ayons des glaives, Des temples, Chéops, Babel, Des tours, des palais, des rêves, Et des tombeaux jusqu’au ciel ; Il resterait peu de choses À l’homme qui vit un jour Si Dieu nous ôtait les roses, Si Dieu nous ôtait l’amour ! Liens vers les textes de cet auteur |
_________________
La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
-
Nombre de messages : 7321
Age : 75
Localisation : Nord de la France
Date d'inscription : 16/11/2007
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum