La hache ? Non. Jamais. Je n’en veux pour personne. - Victor Hugo
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La hache ? Non. Jamais. Je n’en veux pour personne. - Victor Hugo
DE LA CONDITION HUMAINE PLAIDOYER DES GRANDES CAUSES |
La hache ? Non. Jamais. Je n’en veux pour personne. "Les quatre vents de l'esprit" - 1881 Victor Hugo La hache ? Non. Jamais. Je n’en veux pour personne. Pas même pour ce czar devant qui je frissonne, Pas même pour ce monstre à lui-même fatal. Qui supprime Tyburn abolit White-Hall ; Et quand la mort, ouvrant son désastreux registre, Me dit : — Que jettes-tu dans ce panier sinistre ? Ou la tête du peuple, ou la tête du roi ? — Je dis : — Ni celle-ci, ni celle-là. — Ma loi, C’est la vie ; et ma joie, ô Dieu, c’est l’aube pure. Je ne suis pas de ceux qui font la pourriture ; Je ne suis pas de ceux qui donnent à manger Au sépulcre, où l’on voit ramper et s’allonger L’affreux sarcopte éclos du miasme délétère ; Je ne suis pas de ceux vers qui les vers de terre, Béants, tournent leur tête aveugle dans la nuit. Tout supplice est un fait contre la loi, traduit, Pour l’éducation des foules indécises, Devant l’esprit humain, suprême cour d’assises, Saint prétoire, infaillible et grave tribunal Où Beccaria juge aidé de Juvénal. Le penseur n’absout point les grands forfaits lyriques Que l’histoire engloutit sous ses panégyriques ; Il excuse parfois, il n’approuve jamais. Il veut de l’aube, et non du sang, sur les sommets. Peuple ou roi, quel que soit le tueur, il le blâme. Pour lui l’assassinat, même illustre, est infâme ; Tout temple est sombre avec une morgue au milieu. Quand le sang coule, il dit : malheur ! admirant peu Le resplendissement magnifique du glaive ; Il n’a pas, quand le cri des victimes s’élève, Pour éblouissement la grandeur du bourreau ; Pour lui, Saint-Just poussant Danton au tombereau, Louis quatorze affreux, penché sur les Cévennes, Implacable, saignant la France aux quatre veines, Titus livrant Sion massacrée aux vautours, Quoi qu’on puisse alléguer et dire, c’est toujours Le même crime errant dans la même nuit noire ; Si grand que soit l’éclat, quelle que soit la gloire, C’est toujours à ses yeux le meurtre, et, plein d’ennui, Partout, il le condamne ; et tout ce qu’il sait, lui, C’est qu’on ne lui fait pas accepter des décombres, Des désastres, des morts, des écrasements sombres, Même en posant dessus la patte d’un lion. Non, jamais de vengeance et pas de talion. Quoi ! le cipaye irait jetant au feu des femmes Et tordant des enfants tout vivants dans les flammes ; Quoi ! l’irlandais bigot, à travers le brouillard, Surgirait, la massue au poing ; quoi ! le lollard Joindrait le fer qui frappe à la main qui mendie ; Quoi ! le hubin boirait du sang ; quoi ! l’incendie Éclairerait le rire horrible du truand ; Le camisard aurait dans sa poche en tuant Sa bible toute grasse à force d’être lue ; — Et l’âme incorruptible, et la bouche absolue, La bouche du poète et l’âme du penseur Se tairaient ! et le jour accepterait pour sœur, Sous prétexte qu’ensemble autrefois nous souffrîmes, L’aveugle obscurité, toute pleine de crimes ! Non, parle, et parle haut, vérité ! vérité ! La misère n’a pas le droit de cruauté ; Les échafauds s’en vont et leur ombre s’efface ; L’impassible équité ne veut pas qu’on en fasse, Pas même avec le bois douloureux des grabats ; Non ! nous n’admettons point, dans le deuil d’ici-bas, Qu’on puisse être bourreau parce qu’on fut victime. Le meurtre fils des pleurs n’est pas plus légitime ; Quand le faible devient à son tour le plus fort, La conscience donne à la rancune tort Et force les instincts de vengeance à se taire, Et l’on n’est point absous par ce juge pour faire Du mal avec le mal que d’autres vous ont fait. Cette livre de chair dont Shylock triomphait, Malheur à qui la veut dans sa sauvage envie ! L’homme est le travailleur du printemps, de la vie, De la graine semée et du sillon creusé, Et non le créancier livide du passé. Peuple, le philosophe est le témoin sévère. Si Jésus s’envolait féroce du calvaire, Et venait à son tour crucifier Satan, Je dirais à Jésus : Tu n’es pas Dieu. Va-t’en ! Liens vers les textes de cet auteur |
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