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Hymne des transportés - Victor Hugo

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Message  Gil Def Mar 28 Nov - 14:17

Hymne des transportés - Victor Hugo 721364  Hymne des transportés - Victor Hugo 721364  Hymne des transportés - Victor Hugo 721364


HISTOIRE ET POLITIQUE
LE SECOND EMPIRE

Hymne des transportés - Victor Hugo Napolz14





Hymne des transportés
"Les Châtiments" - 1853
Victor Hugo


Hymne des transportés - Victor Hugo Hymne_15


Prions ! voici l’ombre sereine.
Vers toi, grand Dieu, nos yeux et nos bras sont levés.
Ceux qui t’offrent ici leurs larmes et leur chaîne
Sont les plus douloureux parmi les éprouvés.
Ils ont le plus d’honneur ayant le plus de peine.

Souffrons ! le crime aura son tour.
Oiseaux qui passez, nos chaumières,
Vents qui passez, nos sœurs, nos mères,
Sont là-bas, pleurant nuit et jour ;
Oiseaux, dites-leur nos misères !
Ô vents, portez-leur notre amour !

Nous t’envoyons notre pensée,
Dieu ! nous te demandons d’oublier les proscrits,

Mais de rendre sa gloire à la France abaissée ;
Et laisse-nous mourir, nous brisés et meurtris,
Nous que le jour brûlant livre à la nuit glacée !

Souffrons ! le crime —

Comme un archer frappe une cible,
L’implacable soleil nous perce de ses traits ;
Après le dur labeur, le sommeil impossible ;
Cette chauve-souris qui sort des noirs marais
La fièvre, bat nos fronts de son aile invisible.

Souffrons ! le crime —

On a soif, l’eau brûle la bouche !
On a faim, du pain noir ; travaillez, malheureux !
À chaque coup de pioche en ce désert farouche
La mort sort de la terre avec son rire affreux,
Prend l’homme dans ses bras, l’étreint et se recouche.

Souffrons ! le crime —

Mais qu’importe ! rien ne nous dompte ;
Nous sommes torturés et nous sommes contents.
Nous remercions Dieu vers qui notre hymne monte
De nous avoir choisis pour souffrir dans ce temps
Où tous ceux qui n’ont pas la souffrance ont la honte.

Souffrons ! le crime —

Vive la grande République !
Paix à l’immensité du soir mystérieux !
Paix aux morts endormis dans la tombe stoïque !
Paix au sombre océan qui mêle sous les cieux
La plainte de Cayenne au sanglot de l’Afrique !

Souffrons ! le crime aura son tour.
Oiseaux qui passez, nos chaumières,
Vents qui passez, nos sœurs, nos mères,
Sont là-bas, pleurant nuit et jour ;
Oiseaux, dites-leur nos misères !
Ô vents, portez-leur notre amour !


Jersey, juillet 1853.





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