Nocturno cuerpo - Elias Nandino (1900-1993)
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Nocturno cuerpo - Elias Nandino (1900-1993)
Nocturno cuerpo - Corps nocturne
Voz : José Fas Fonfría
Cuando de noche, a solas, en tinieblas, fatigado de no sé qué fatiga se derrumba mi cuerpo y se acomoda en la impasible superficie oscura que le sirve de apoyo y de mortaja, yo me tiendo también y me limito al inerme contorno que me entrega, a la isla de olvido en que se olvida. Separado de él y en él hundido recuerdo que lo llevo todo el día como cárcel de fiebre que me oprime, como labios que dicen otras frases, como instinto que burla mis deseos o acciones desligadas de mi fuerza; pero al mirarlo así, rendido fardo indiferente en su actitud de piedra, tigre de bronce, charco de silencio, columna de cinismo derribada, ciega figura en su lección de muerte: yo lo percibo como carne intrusa como dolencia de una llaga ajena, cómplice de un destino que no entiendo, mudez que no lesiona mi palabra, verdugo en anestesia secuestrado. Y por eso al sentirme dividido y a la vez por su molde aprisionado, analizo, sospecho, reflexiono que sus muros endebles que me cercan son fuego en orfandad, tierra robada, agua sujeta en venas sumergidas y aire sin aire arrebatado al aire; que soy un prisionero de elementos en honda combustión, que están buscando fundir los eslabones que los unen para volver a la pureza intacta del sitio universal donde eran libres: la tierra pide su reposo en tierra, el aire, su acrobacia transparente; el fuego, la delicia de su llama; y el agua: la blancura de su hielo, su cauce, o el prodigio de ser nube. Al lado de él, alado y enraizado, lo toco, lo examino desde adentro: interior de una iglesia ensangrentada, góticos arcos, junglas musculares, entretejida pulsación de yedras, laberinto de lumbre de amapolas y entraña de una cripta en que se esconde el numérico albor del esqueleto. Y yo en medio de juez y de culpable, de rebelde invasor y de invadido, de mirar que descubre y se descubre, de unidad que contempla sus facciones, de pregunta privada de respuesta, de espectador que sufre en propia carne el corporal desgaste de que brotan sus crecientes acopios de agonía. Si soy su dueño ¡por qué lo palpo extraño, despegado de mí -sombra de un árbol-, corteza sofocante de mi angustia, vendaje que me oculta, ademe frágil, imán que me atesora y me difunde, materia que yo arrastro y que me arrastra? Y estoy en él, presente, inevitable, unido en el monólogo y la espera, crecido en su reverso, y denunciado por sus manos, sus ojos, sus pasiones, la quemante ansiedad de sus delirios, las brumas de sus tiempos de zozobra y los relámpagos de su alegría. De dentro a afuera, de raíz a ramas, presiono, me sublevo, abro mis fuerzas para cavar, para acabar los muros que viven de tenerme prisionero; pero un amor me nace y me detiene, un fanatismo de vital amparo, el apego del ánima y las células, la intimidad de forma y contenido acoplando sus ciegas superficies; y me quedo conforme, sosegado a la ajustada cárcel que me cubre para seguir formando el mundo en fiebre por el que siento que en verdad existo. Agua, tierra, fuego y aire, en continua aspersión de sus químicos halagos, inmersos en la furia de sus hambres, en escondida trabazón de empujes, mandando y succionado sus mareas, haciendo y deshaciendo lo que se inician, comiéndose a sí mismos, recreando el desnudo valor de su estructura en pugnas, atracciones y repechos, porque quieren, anhelan, buscan, labran la persistente acción que les devuelva el vuelo original que poseían. Esta unión de elementos, este nido de físicas batallas, de incesantes reacciones, es mi solo respaldo, el trágico venero de la fuerza que me sostiene aún hablando a solas. | Quand, la nuit, seul, dans les ténèbres, fatigué de je ne sais quel épuisement mon corps s’effondre et s’accommode à l’impassible surface obscure qui lui sert d’appui et de linceul, je m’étends aussi et je me limite au contour désarmé qui me livre à l’île de l’oubli où l’on se perd. Séparé de lui et fondu en lui, je me souviens que je le porte tout le jour comme prison de fièvre qui m’opprime, comme lèvres qui tiennent d’autres discours, comme instinct qui se moque de mes désirs ou actions déliées de ma force ; mais à le regarder ainsi, sans le distinguer, indifférent dans son attitude de pierre, tigre de bronze, mare de silence, colonne de cynisme abattue, figure aveugle dans sa leçon de mort : je le vois comme une chair intruse, comme mal d’une plaie étrangère, complice d’un destin que je ne comprends pas, mutisme qui n’atteint pas ma parole, bourreau dans l’anesthésie séquestré. Et pour cela à me sentir divisé de lui, et à la fois de son moule prisonnier, j’analyse, je doute, je réfléchis que ses murs chétifs qui me cernent sont flamme orpheline, terre spoliée, eau assujettie à des veines submergées, et humeur sans air arraché au vent ; je suis prisonnier d’éléments en combustion profonde qui cherchent à fondre les maillons qui les unissent afin de retrouver la pureté intacte du lieu universel où ils étaient libres : la terre demande son repos à la terre, l’air, son acrobatie diaphane, le feu, le délice de sa flamme, et l’eau, la blancheur de son givre, sa voie ou le prodige d’être nuage. A son côté, ailé mais enraciné, je le touche, je l’examine du dedans : intérieur d’une église ensanglantée, arcs gothiques, jungles musculaires, pulsion entrelacée de lierres, labyrinthe de clarté, de coquelicots, entrailles de cryptes où se dissimule la numérique blancheur du squelette. Et moi, en plein milieu, juge et coupable, envahisseur rebelle et envahi, voir qui découvre et se découvre, unité qui contemple ses parties, questionnement privé de réponse, spectateur qui souffre en son propre sang, usure corporelle de qui lui viennent ses réserves croissantes d’agonie. Si je suis son maître, pourquoi le toucher étrange ? Détaché de moi, ombre d’un arbre, écorce suffocante de mon angoisse, pansement qui me dissimule, étaie fragile, aimant qui me réunit et me diffuse, matière que je porte et qui m’emporte. Et je suis en lui, présent inévitable, uni dans le monologue de et l’attente, grandi malgré lui et trahi par ses mains, ses yeux, ses passions, la brûlante angoisse de ses délires, la brume de ses moments de naufrage et les éclairs de son allégresse. Du dedans au dehors, de la racine au faîte, je m’appuie, je me soulève, je largue mes forces pour creuser, pour terminer les murs qui survivent de me garder prisonnier ; las, un amour naît en moi et me retient, un fanatisme du refuge vital l’attachement de l’âme et des cellules, l’intimité de la forme et du fond, accouplant leurs aveugles surfaces ; et je me résigne, paisible dans la prison ajustée qui m’épouse afin de continuer de former le nœud de fièvre par lequel je sais qu’en vérité je suis. Eau, terre, feu et air, en continuelle aspersion de leurs cajoleries chimiques immergés dans la fougue de leurs appétits, dans un enchaînement caché d’élans, ordonnant et aspirant leurs limites, faisant et défaisant ce qu’ils tracent, se dévorant eux-mêmes, recréant la seule valeur de leur structure en oppositions, attirances et obstacles parce qu’ils aiment, désirent, cherchent, bâtissent l’agir persistant qui les rend à leur forme d’origine. Cette unité d’éléments, ce nid de luttes physiques, d’incessantes réactions, est mon seul appui, la source tragique de la force qui me soutient au fond de mes soliloques. Traduction : Nicole Martel, 2009 |
Autres textes du même auteur : Atmósfera de ausencia - Atmosphère d'amour El mismo amor - Le même amour |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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