Contra Jaime Gil de Biedma - Jaime Gil de Biedma (1929-1990)
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Contra Jaime Gil de Biedma - Jaime Gil de Biedma (1929-1990)
Contra Jaime Gil de Biedma - Contre Jaime Gil de Biedma
Voz : Jaime Gil de Biedma
De qué sirve, quisiera yo saber, cambiar de piso, dejar atrás un sótano más negro que mi reputación -y ya es decir-, poner visillos blancos y tomar criada, renunciar a la vida de bohemio, si vienes luego tú, pelmazo, embarazoso huésped, memo vestido con mis trajes, zángano de colmena, inútil, cacaseno, con tus manos lavadas, a comer en mi plato y a ensuciar la casa? Te acompañan las barras de los bares últimos de la noche, los chulos, las floristas, las calles muertas de la madrugada y los ascensores de luz amarilla cuando llegas, borracho, y te paras a verte en el espejo la cara destruida, con ojos todavía violentos que no quieres cerrar. Y si te increpo, te ríes, me recuerdas el pasado y dices que envejezco. Podría recordarte que ya no tienes gracia. Que tu estilo casual y que tu desenfado resultan truculentos cuando se tienen más de treinta años, y que tu encantadora sonrisa de muchacho soñoliento -seguro de gustar- es un resto penoso, un intento patético. Mientras que tú me miras con tus ojos de verdadero huérfano, y me lloras y me prometes ya no hacerlo. Si no fueses tan puta! Y si yo no supiese, hace ya tiempo, que tú eres fuerte cuando yo soy débil y que eres débil cuando me enfurezco… De tus regresos guardo una impresión confusa de pánico, de pena y descontento, y la desesperanza y la impaciencia y el resentimiento de volver a sufrir, otra vez más, la humillación imperdonable de la excesiva intimidad. A duras penas te llevaré a la cama, como quien va al infierno para dormir contigo. Muriendo a cada paso de impotencia, tropezando con muebles a tientas, cruzaremos el piso torpemente abrazados, vacilando de alcohol y de sollozos reprimidos. Oh, innoble servidumbre de amar seres humanos, y la más innoble que es amarse a sí mismo! | A quoi bon, j’aimerais bien savoir, changer d’appartement, laisser derrière soi une cave plus noire que ma réputation - et c’est-à-dire-, mettre des rideaux blancs et prendre une femme de chambre, renoncer à la vie de bohème, si tu viens plus tard, scélérat, invité gênant, mémo vêtu de mes habits, bourdon de la ruche, inutile, minable, avec les mains lavées, pour manger dans mon assiette et salir la maison ? Ils t'accompagnent les bars des derniers bars de la nuit, les proxénètes, les fleuristes, les rues mortes du petit matin et les ascenseurs à la lumière jaune quand tu arrives, ivre, et t'arrêtes pour te voir dans le miroir le visage détruit aux yeux toujours violents que tu ne veux pas fermer. Et si je te réprimande, tu ris, me rappelles le passé et dis que je vieillis. Cela pourrait te rappeler que tu n’es plus drôle. Que ton style décontracté et ta nonchalance sont truculents quand tu as plus de trente ans, et que ton charmant sourire de garçon endormi – sûr de plaire – est un vestige pitoyable, une tentative pathétique. Tandis que tu me regardes avec tes yeux de vrai orphelin, et pleures pour moi et me promets de ne plus le faire. Si tu n’étais pas une telle salope ! Et si je ne savais pas, depuis longtemps, que tu es fort quand je suis faible et que tu es faible quand j'enrage... De tes retours, je garde une impression confuse de panique, de chagrin et de mécontentement, et de désespoir, d’impatience et de ressentiment de souffrir une fois de plus l’humiliation impardonnable d’une intimité excessive. Je t’emmènerai à peine au lit, comme quelqu’un qui va en enfer pour dormir avec toi. Mourant à chaque pas d’impuissance, trébuchant contre les meubles à tâtons, nous traverserons l'appartement en nous embrassant maladroitement, vacillant par l’alcool et les sanglots refoulés. Ô ignoble servitude d’aimer les êtres humains, et la plus ignoble qui est de s’aimer soi-même ! Traduction : ---- |
Autres textes du même auteur : Albada - Aubade De aquí a la eternidad - Tant qu'il y aura des hommes No volveré a ser joven - Je ne serai plus jamais jeune |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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