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Qué ha sido de quien fui - Fernando Pessoa (1888-1935)

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Qué ha sido de quien fui - Fernando Pessoa (1888-1935) Empty Qué ha sido de quien fui - Fernando Pessoa (1888-1935)

Message  Gil Def Jeu 9 Mai 2024 - 12:21

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Fernando PESSOA
1888-1935

Qué ha sido de quien fui - Fernando Pessoa (1888-1935) Pessoa11



Qué ha sido de quien fui - Qu’est-il advenu de qui j’étais


Voz : Tomás Galindo




Esta vieja angustia,
esta angustia que traigo hace siglos en mí,
rebasó la vasija, en lágrimas, en grandes imaginaciones,
en sueños al estilo de pesadilla sin terror,
en grandes emociones súbitas sin sentido alguno.
Rebasó.
¡Mal sé cómo conducirme por la vida
con este malestar haciéndome dobleces en el alma!
¡Si al menos enloqueciera de veras!
Pero no: es este estar entre,
este casi,
este poder ser que
esto.
Un interno en un manicomio es, al menos, alguien,
yo soy un interno en un manicomio sin manicomio.
Estoy loco en frío,
estoy lúcido y loco,
estoy ajeno a todo e igual a todos:
estoy durmiendo despierto con sueños que son locura
porque no son sueños.
Estoy así...
¡Pobre vieja casa de mi infancia perdida!
¡Quién te iba a decir que yo me desacogería tanto!
¿Qué es de tu niño? Está loco.
¿Qué es de quien dormía tranquilo bajo tu techo provinciano?
Está loco.
¿Qué ha sido de quien fui? Está loco. Hoy es quien yo soy.
¡Si al menos tuviera una religión cualquiera!
Por ejemplo, por aquel fetiche
que había en casa, allá en aquélla, traído de África.
Era feísimo, era grotesco,
pero había en él la divinidad de todo en lo que se cree.
Si yo pudiera creer en un fetiche cualquiera
-Júpiter, Jehová, la Humanidad —
cualquiera serviría,
¿pues qué es todo sino lo que pensamos de todo?
¡Estalla, corazón de vidrio pintado!






Cette vieille angoisse,
cette angoisse que je porte en moi depuis des siècles,
débordait du vaisseau, en larmes, en grandes imaginations,
en rêves cauchemardesques sans terreur,
en grandes émotions soudaines sans aucun sens.
Excédé.
Je ne sais pas comment traverser la vie
avec cet inconfort qui fait des plis dans mon âme !
Si seulement je devenais vraiment fou !
Mais non : c’est cet être entre,
ce presque,
ce pouvoir étant que
cela.
Un détenu dans un asile d’aliénés, c’est au moins quelqu’un,
je suis un détenu dans un asile d’aliénés sans asile d’aliénés.
Je suis fou dans le froid,
je suis lucide et fou,
je suis inconscient de tout et égal à tout le monde :
je dors éveillé avec des rêves qui sont de la folie
parce que ce ne sont pas des rêves.
Je suis comme ça...
Pauvre vieille maison de mon enfance perdue !
Qui aurait cru que je serais si déçu !
Qu’en est-il de votre enfant ? Il est fou.
Qu’est-il advenu de celui qui dormait paisiblement sous votre toit provincial ?
Il est fou.
Qu’est-il advenu de qui j’étais ? Il est fou. Aujourd’hui, c’est ce que je suis.
Si seulement j’avais une religion !
Par exemple, à cause de ce fétiche
qui était à la maison, dans cette maison, apporté d’Afrique.
Il était laid, il était grotesque,
mais il y avait en lui la divinité de tout ce en quoi vous croyez.
Si je pouvais croire à un fétiche
– Jupiter, Jéhovah, l’humanité –
n’importe qui ferait l’affaire,
car qu’est-ce que c’est que tout cela sinon ce que nous pensons de tout ?
Éclatez, cœur de verre peint !


Traduction : ---




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