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Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936)

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Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936) Empty Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936)

Message  Gil Def Jeu 20 Juin 2024 - 9:14

  Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936) 989837  Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936) 989837  Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936) 989837  


Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936) Espagn16

Miguel de UNAMUNO
1864-1936

Para después de mi muerte - Miguel de Unamuno (1864-1936) Unamuno



Para después de mi muerte - Pour après ma mort


Voz : Juan Heredia Rojas




Vientos abismales,
tormentas de lo eterno han sacudido
de mi alma el poso,
y su haz se enturbió con la tristeza.
del sedimento.
Turbias van mis ideas,
mi conciencia enlojada,
empañado el cristal en que desfilan
de la vida las formas,
y todo triste,
porque esas heces lo entristecen todo.

Oye tú que lees esto
después de estar yo en tierra,
cuando yo que lo he escrito
no puedo ya al espejo contemplarme;
¡Oye y medita!
Medita, es decir: ¡sueña!
«Él, aquella mazorca
de ideas, sentimientos, emociones,
sensaciones, deseos, repugnancias,
voces y gestos,
instintos, raciocinios,
esperanzas, recuerdos,
y goces y dolores,
él, que se dijo yo, sombra de vida,
lanzó al tiempo esta queja
y hoy no la oye;
¡es mía ya, no suya!"
Sí, lector solitario, que así atiendes
la voz de un muerto,
tuyas serán estas palabras mías
que sonarán acaso
desde otra boca,
sobre mi polvo
sin que las oiga yo que soy su fuente.

¡Cuando yo ya no sea,
serás tú, canto mío!
¡Tú, voz atada a tinta,
aire encarnado en tierra,
doble milagro,
portento sin igual de la palabra,
portento de la letra,
tú nos abrumas!
Y que vivas tú más que yo, mi canto!
Oh, mis obras, mis obras,
hijas del alma!
¿por qué no habéis de darme vuestra vida?
¿por qué a vuestros pechos
perpetuidad no ha de beber mi boca?
¡Acaso resonéis, dulces palabras,
en el aire en que floten
en polvo estos oídos,
que ahora están midiéndoos el paso!
¡Oh, tremendo misterio!
¡En el mar larga estela reluciente
de un buque sumergido;
¡huellas de un muerto!
¡Oye la voz que sale de la tumba
y te dice al oído
este secreto:
¡Yo ya no soy, hermano!

"Vuelve otra vez, repite:
¡yo ya no soy hermano!"

¡Yo ya no soy; mi canto sobrevíveme
y lleva sobre el mundo
la sombra de mi sombra,
mi triste nada!
Me oyes tú, lector?, yo no me oigo,
y esta verdad trivial, y que por serlo
la dejamos caer como la lluvia,
es lluvia de tristeza,
es gota del océano
de la amargura.

¿Dónde irás a pudrirte, canto mío?
¿en qué rincón oculto
darás tu último aliento?
¡Tú también morirás, morirá todo,
y en silencio infinito
dormirá para siempre la esperanza!






Vents de l’abîme,
rafales d’éternel ont secoué
le limon de mon âme :
sa face s’est troublée de la tristesse
du fond dormant,
et mes idées s’écoulent troubles,
terreuse ma conscience
et terni le cristal où fluent et fuient
les formes de la vie
et tout est triste
de la grande tristesse de ces lies.

Ecoute, toi, qui lis ceci
après que je repose dans la terre,
alors que moi, qui l’ai écrit,
je ne peux plus, dans le miroir, me voir moi-même :
écoute et médite.
Médite, c’est-à-dire songe :
« Lui, cet épi si dru
où se serraient idées, sentiments, émotions
désirs et répugnances, sensations
et mots et gestes,
souvenirs, espérances,
joies et douleurs ;
lui, qui se disait moi, ombre de vie,
au temps a jeté cette plainte
qu’il n’entend plus ;
et cette plainte est mienne désormais
et non plus sienne."
Oui, lecteur solitaire, qui fait cas
de cette voix d’un mort,
Il seront à toi ces mots qui furent miens
qui voleront peut-être
d’une autre bouche
sur ma poussière,
sans que les puisse entendre, moi, leur source

Quand je ne serai plus,
seras tu mon chant !
Toi, ma voix enchaînée à ce fil d’encre ;
souffle devenu chair,
double miracle,
prodige inégalé de la parole,
prodige de la lettre,
tu m’accables !
Se peut-il que tu vives plus que moi, toi, mon chant ?
Œuvres, mes œuvres,
ô filles de mon âme,
pourquoi ne me donnez-vous votre vie ?"
A votre sein, pourquoi
ma bouche ne peut-elle s’abreuver d’éternité ?
Peut-être, mes doux mots, sonnerez-vous
dans l’air où flotteront,
en poussière mes oreilles
qui juste en ce moment mesurent votre cadence.
O mystère et terreur !
Sur la mer, long sillage étincelant
du navire coulé :
traces d’un mort !
Ecoute cette voix sortie de la terre
qui te dit à l’oreille
son secret :
"Je ne suis plus, mon frère !"

Reviens, reviens encore et me répète :
"Je ne suis plus, mon frère !"

Je ne suis plus. Mon chant, survis
et porte par le monde
une ombre de mon ombre,
mon néant !
Toi tu m’entends, lecteur ; moi, je ne m’entends plus :
banale vérité que, comme telle,
nous entendons tomber comme la pluie
pluie de tristesse,
goutte de l’océan
de l’amertume.

Où iras-tu pourrir, mon chant ?
Dans quel recoin secret
s’exhalera ton dernier souffle ?
Car tu mourras aussi, tout mourra
et dans l’infini du silence,
l’espoir dormira pour toujours !


Traduction : Mathilde Pomès, 1937




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