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País de la ausencia - Gabriela Mistral (1889-1945)

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Message  Gil Def Lun 24 Juin - 16:55

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País de la ausencia - Gabriela Mistral (1889-1945) Chili12

Gabriela MISTRAL
1889-1945

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País de la ausencia - Pays de l’absence


Música: Pedro Millar Voz : Paulina Lambert




País de la ausencia
extraño país,
más ligero que ángel
y seña sutil,
color de alga muerta,
color de neblí,
con edad de siempre,
sin edad feliz.

No echa granada,
no cría jazmín,
y no tiene cielos
ni mares de añil.
Nombre suyo, nombre,
nunca se lo oí,
y en país sin nombre
me voy a morir.

Ni puente ni barca
me trajo hasta aquí,
no me lo contaron
por isla o país.
Yo no lo buscaba
ni lo descubrí.

Parece una fábula
que yo me aprendí,
sueño de tomar
y de desasir.
Y es mi patria donde
vivir y morir.

Me nació de cosas
que no son país;
de patrias y patrias
que tuve y perdí;
de las criaturas
que yo vi morir;
de lo que era mío
y se fue de mí.

Perdí cordilleras
en donde dormí;
perdí huertos de oro
dulces de vivir;
perdí yo las islas
de caña y añil,
y las sombras de ellos
me las vi ceñir
y juntas y amantes
hacerse país.

Guedejas de nieblas
sin dorso y cerviz,
alientos dormidos
me los vi seguir,
y en años errantes
volverse país,
y en país sin nombre
me voy a morir.


"Tala", 1938




Pays de l’absence,
étrange pays,
plus léger qu’un ange
et signe subtil,
couleur algue morte,
couleur faucon gris,
âgé de toujours,
sans âge qui rie.

Ne donne grenade,
ne nourrit jasmin,
et n’a ni cieux
ni mers d’indigo.
Et son nom, son nom,
jamais n’entendis
en pays sans nom
je m’en vais mourir.

Nul pont, nulle barque
me mena ici.
On ne m’en dit rien
comme île ou pays.
Je ne le cherchais
ni le découvris.

Il semble une fable
que j’avais apprise
Un rêve à saisir
et à laisser fuir.
Et c’est ma patrie où
vivre et mourir.

Il m’est né de choses
qui ne sont pays :
de patries, de patries
que j’eus et perdis ;
et des créatures
que je vis mourir ;
de ce qui fut mien
et de moi s’en fut.

Perdues cordillères
où j’avais dormi ;
perdus vergers d’or
suaves pour vivre ;
perdues pour moi, îles
de joncs, d’indigo,
et toutes leurs ombres
ai vu m’entourer
jointes et amantes
se faire pays.

Crinières de brumes
sans dos et sans nuque,
souffles endormis
les ai vus me suivre,
en années errantes
devenir pays.
en pays sans nom
je m’en vais mourir.


Traduction : Irène Gayraud, 2021




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