Alguien - Jorge Luis Borges (1899-1986)
COUPS DE COEUR POETIQUES :: QUAND LA POESIE PASSE LES FRONTIERES :: POEMES DE LANGUE ETRANGERE - ESPAGNOL
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Alguien - Jorge Luis Borges (1899-1986)
Alguien - Quelqu’un
Voz : Tomás Galindo
Un hombre trabajado por el tiempo, un hombre que ni siquiera espera la muerte (las pruebas de la muerte son estadísticas y nadie hay que no corra el albur de ser el primer inmortal), un hombre que ha aprendido a agradecer las modestas limosnas de los días: el sueño, la rutina, el sabor del agua, una no sospechada etimología, un verso latino o sajón, la memoria de una mujer que lo ha abandonado hace ya tantos años que hoy puede recordarla sin amargura, un hombre que no ignora que el presente ya es el porvenir y el olvido, un hombre que ha sido desleal y con el que fueron desleales, puede sentir de pronto, al cruzar la calle, una misteriosa felicidad que no viene del lado de la esperanza sino de una antigua inocencia, de su propia raíz o de un dios disperso. Sabe que no debe mirarla de cerca, porque hay razones más terribles que tigres que le demostrarán su obligación de ser un desdichado, pero humildemente recibe esa felicidad, esa ráfaga. Quizá en la muerte para siempre seremos, cuando el polvo sea polvo, esa indescifrable raíz, de la cual para siempre crecerá, ecuánime o atroz, nuestro solitario cielo o infierno. "El otro, el mismo" - 1964 | Un homme travaillé par le temps, un homme qui n’espère même pas la mort (les preuves de la mort sont statistiques et il n’y a personne qui ne coure le risque d’être le premier immortel), un homme qui a appris à remercier les jours de leurs modestes aumônes : le sommeil, la routine, la saveur de l’eau, quelque étymologie insoupçonnée, un ver latin ou saxon, le souvenir d’une femme qui l’a abandonné il y a déjà tellement d’années qu’il peut aujourd’hui se la rappeler sans amertume, un homme qui n’ignore pas que le présent est déjà l’avenir et l’oubli, un homme qui a été déloyal – et avec qui on fut déloyal – peut soudain sentir en traversant la rue une mystérieuse félicité qui ne vient pas du côté de l’espoir mais d’une ancienne innocence, de sa propre racine ou d’un dieu épars. Il sait qu’il ne doit pas la regarder de trop près, parce qu’il y a des raisons plus terribles que des tigres qui lui démontreront son devoir d’être malheureux, mais il reçoit avec humilité cette félicité, cette rafale. Peut-être dans la mort serons-nous pour toujours, quand la poussière sera poussière, cette racine indéchiffrable d’où pour toujours croîtra, impartial ou atroce, notre solitaire ciel ou notre solitaire enfer. Traduction : Nestor Ibarra, 2005 |
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La poésie, c'est les paroles éparses du réel (Octavio Paz)
Gil Def- Admin
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